Photo de couverture © MHM Photo / Rick Olson – © Walter Tychnowicz-Imagn Images

En quelques jours, Kaprizov et McDavid ont bouleversé l’équilibre des négociations NHL. Deux choix, deux philosophies, et désormais une ligue entière qui s’interroge : à l’heure où le cap continue de grimper, quel chemin les prochaines stars suivront-elles ?

Au delà du sportif, cette saison n’est pas une saison comme les autres en NHL puisque cette année, un gros lot de stars entre dans sa dernière année de contrat avant de pouvoir tester, l’été prochain et s’ils le souhaitent, le marché des agents libres (UFA).

Dans ce lot figure de nombreux noms : Kirill Kaprizov(Minnesota Wild), Kyle Connor(Winnipeg Jets), Alex Tuch(Buffalo Sabres), Adrian Kempe(Los Angeles Kings), Artemi Panarin(New York Rangers), Jack Eichel(Vegas Golden Knights) ou encore, et surtout, Connor McDavid(Edmonton Oilers). Autant dire que l’intersaison prochaine s’annonçait déjà comme l’une des plus folles de la décennie puisque, en plus des noms, le plafond salarial de la ligue est en pleine ascension et les agents avaient donc là la certitude que les équipes allaient aligner les 0 pour garder leurs joueurs stars.

Au final, deux dossiers majeurs (et opposés) se sont réglés avant le début de la saison et pourraient pas mal changer la donne. En premier lieu, Kirill Kaprizov vient de décrocher le plus gros contrat de l’histoire de la NHL avec 8 ans à 17,00,000USD par saison. D’un autre côté, à près de 2000 km de là, Connor McDavid a pris tout le monde à contre-pied : il a refusé la surenchère et signé pour le même salaire que son contrat de 2017, soit 12,5 M$… pour seulement deux saisons de plus.

Aujourd’hui, on zoome sur ces deux signatures hors du commun qui racontent deux histoires différentes… et qui risquent d’influencer la manière dont toutes les autres négociations de superstars vont se jouer dans les mois à venir.

LE DOSSIER KAPRIZOV, OU LE MONSTRE QUI DEVAIT TOUT CHANGER

Si la prolongation de McDavid a pris tout le monde par surprise, celui-ci ayant exprimé de nombreuses fois le fait qu’il n’était pas pressé, celle de Kaprizov était presque attendue… mais pas à ce montant
À 28 ans, l’ailier russe du Minnesota Wild entrait dans la dernière année de son contrat de 5 ans et 9,000,000USD AAV et se savait au cœur du projet sportif de la franchise. Le Wild, peu attractif pour recruter des stars sur le marché libre, ne pouvait pas se permettre de le perdre.

Les négociations ont été longues, tendues, épuisantes, une vraie télénovela : on a pu par exemple entendre que Kaprizov a refusé une première offre à 8 ans et 128M USD avant que la direction de l’équipe de St Paul ne cède aux exigences de son camp et ne grimpe à 136 M $.
Le résultat est historique : non seulement il dépasse Leon Draisaitl, Auston Matthews et Nathan MacKinnon, mais il frôle surtout le maximum autorisé : 17,8 % du plafond salarial (le maximum étant fixé à 20 %).Dans un environnement où la NHL prévoit une hausse rapide du cap, Kaprizov a joué la carte du « Dans 4 ans, ça ne sera plus si cher ».

Pour les agents de joueurs, c’est un jackpot et surtout un nouveau point de référence. Certains pouvant se dire qu’un autre joueur autour des 100 points devrait donc valoir au moins 16-17 millions par an. Tout le monde pensait donc que le contrat Kaprizov allait tirer vers le haut tous les autres négociateurs majeurs de l’été prochain, de Jack Eichel à Kyle Connor, en passant par Martin Necas ou encore les futurs dossiers Cale Makar et Quinn Hughes.

En clair : Kaprizov a agi comme le domino géant censé faire grimper toute la pyramide salariale des élites NHL. Son deal semblait annoncer une nouvelle ère où les joueurs stars viseraient 15–17 M $ minimum, quitte à comprimer les joueurs de 4e bloc et à creuser l’écart entre superstars et autres joueurs de la ligue.

Mais ça, c’était avant un autre numéro 97.

LE DOSSIER MCDAVID, OU LE MONSTRE QUI VOULAIT TOUT GAGNER

Quelques jours après la secousse Kaprizov, tous les regards se sont tournés vers Edmonton. Connor McDavid, qui approchait lui aussi de la fin de son bail, était le nom le plus attendu du marché à venir et avait littéralement le champ libre pour exiger la mère de Jeff Jackson s’il voulait. Car si Kaprizov vaut 136M, combien vaut McDavid ? On le voyait déjà redéfinir la valeur d’une superstar moderne et dépasser les 20 millions de dollars qu’il avait le talent et le droit de réclamer.

Et pourtant, coup de théâtre : McDavid a choisi de prolonger pour deux saisons supplémentaires à… 12,5 millions $ par an, exactement le même montant que celui de son contrat signé en 2017, lorsqu’il était encore un jeune capitaine plein de promesses. En pleine phase ascendante du cap, c’est un geste très très rare qu’il est nécessaire de saluer.

Derrière ce choix, le raisonnement est simple : après deux finales de Coupe Stanley perdues d’affilée contre les Florida Panthers, les Oilers ont besoin de plus de profondeur et de soutien autour de leur noyau. Chaque dollar économisé sur son contrat peut être réinvesti dans un gardien plus solide, un gros défenseur ou une troisième ligne capable de faire la différence au printemps. En acceptant ce contrat, McDavid renonce à une belle augmentation pour laisser à Edmonton davantage d’air sous le plafond et offrir à sa direction de la marge supplémentaire pour bâtir un effectif capable de franchir le dernier obstacle. Cette décision tombe à pic : les Oilers disposent déjà d’un cap space projeté d’environ 23 millions $ pour la saison 2026-27 et de près de 41 millions $ pour l’exercice 2027-28, des chiffres qui leur donnent enfin les moyens de remodeler leur effectif… à condition de savoir utiliser intelligemment cet espace.

Ce geste s’inscrit dans une logique qu’on a connue à Pittsburgh au temps des Crosby et Malkin ou à Boston durant l’ère Bergeron-Marchand : sacrifier quelques millions pour maximiser les chances de soulever la Coupe Stanley. Mais le geste n’est pas seulement altruiste : McDavid a opté pour un contrat court, limité à deux ans. Ce détail change tout. Cela lui permet d’envoyer un message clair à son management : « Je vous donne deux ans pour m’aider à aller chercher cette coupe. » C’est aussi une façon de garder le contrôle total sur son avenir : à l’été 2028, il sera libre de signer, à 31 ans et encore en plein sommet de sa carrière, à un moment où le cap pourrait flirter avec les 120 M $, le méga-contrat qu’il refuse aujourd’hui, que ce soit à Edmonton si le projet reste compétitif ou ailleurs si la franchise stagne, dans une équipe d’un « no-tax state » par exemple.

Autrement dit, McDavid a fait un double pari : il aide les Oilers à gagner immédiatement en leur offrant de la flexibilité financière, mais il se réserve le droit de récupérer plus tard l’argent laissé sur la table, et de le faire dans les meilleures conditions possibles, au cœur d’un marché encore plus favorable. Sportivement, c’est à la fois un acte de confiance et un moyen de mettre la pression maximale sur les dirigeants : trois saisons(en comptant l’actuelle) pour décrocher le titre ou risquer de perdre le meilleur joueur du monde au moment où il sera en mesure, et en droit, de dicter ses propres termes.

DEUX PHILOSOPHIES OPPOSEES ET LEURS CONSEQUENCES

Ces deux prolongations ne sont pas qu’une affaire de chiffres : elles incarnent deux visions opposées du rôle d’une superstar dans une ligue dictée par le plafond salarial. Kaprizov a choisi le jackpot garanti : huit ans à un AAV record qui représente presque un cinquième du cap de l’équipe. C’est le pari classique : « je prends ce que j’estime valoir, au club de s’adapter », quitte à limiter sa marge de manœuvre et à faire peser un risque si les blessures se répètent, ce qui arrive régulièrement pour Kaprizov. Ici, l’effet est immédiat : impossible de justifier un tel montant sans résultat en séries, la pression est maximale pour transformer cet investissement en victoires rapides.

McDavid a pris le chemin inverse : 12,5 M$ seulement et un contrat court de deux ans pour libérer du cap et donner à Edmonton l’espace nécessaire pour bâtir autour de lui. Un sacrifice immédiat qui permet à son club de respirer, mais qui place aussi une bombe à retardement : les Oilers n’ont que deux à trois saisons pour transformer cet effort en Coupe Stanley, sinon le meilleur joueur du monde sera libre en 2028, prêt à signer le contrat qu’il a accepté de laisser filer. Pour les Oilers, le rabais de McDavid libère près de 8 millions par saison et offre enfin un vrai coussin financier pour combler les manques.

Pour les autres vedettes, le signal est brouillé : Kaprizov montre qu’on peut viser haut, McDavid prouve qu’on peut choisir la flexibilité pour gagner. Cette dualité risque d’enflammer les discussions dans les prochains mois, chaque camp armé de son exemple. Reste la grande inconnue : si trop de stars absorbent une grosse partie du cap, les 2,3,4e trios et 2 et 3e paires risquent d’être compressés, recréant une ligue à deux vitesses, le contraire de ce que le plafond voulait empêcher. À long terme, les clubs dont les leaders acceptent de se serrer la ceinture pourraient conserver un meilleur collectif, tandis que les autres joueront plus que jamais sur la corde raide.

En l’espace de quelques jours donc, Kaprizov et McDavid ont réécrit l’avenir des négociations en NHL. Cette dualité promet des discussions animées entre agents et managers, une polarisation accrue entre superstars et joueurs hors du top3/6, et surtout des années à suspense.

Le marché des stars NHL vient de perdre son homogénéité car il n’y a maintenant plus une seule voie. Désormais, chaque franchise devra convaincre ses leaders : tu veux le chemin Kaprizov et l’argent ou le chemin McDavid et la gloire ?