Alors que les tricolores se préparaient au championnat du monde D1A en Slovénie, ils ont été invités en dernière minute en Finlande. En effet, suite au conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’IIHF a pris la décision d’exclure la Russie et la Biélorussie. Une chance inespérée pour les tricolores de réintégrer l’élite mondial du hockey sur glace. Par ailleurs, le groupe, le calendrier, tout était en place pour tenir l’objectif assigné par la DTN : le maintien. Bilan de ces Championnats du monde.
Objectif atteint
Après sept matchs, les tricolores se sont effectivement maintenus dans l’élite mondial du hockey avec deux victoires et cinq défaites. L’équipe de France a obtenu le minimum syndical en gagnant les deux matchs clés face au Kazakhstan et l’Italie en prolongation. L’équipe de France termine sixième de son groupe. Cependant, ce championnat peut avoir un goût d’amertume pour certains joueurs ou suiveurs. Mettons en perspective ce résultat avec les résultats des précédents championnats.
Quelle est la valeur de l’équipe de France 2022 ?
Si nous mettons en perspective le résultat de ce championnat du monde à Helsinki pour nos Bleus, il est en adéquation avec tous les mondiaux de l’ère Henderson. En effet, avec deux victoires et cinq points la France fait aussi bien qu’en 2015, 2016 et 2018. C’est rassurant après le mondial de Kosice en 2019 où la France n’avait remporté aucun match. Les seuls championnats où la France a fait mieux, c’est lorsque les Bleus étaient au complet ou presque notamment en 2014 (1/4 de finale) et à domicile en 2017. La France est à sa place (13ème) ni plus, ni moins.
Que ce soit sous Henderson ou sous Bozon, la France n’a pas progressé comptablement. Cependant, cette édition 2022 comptait huit débutants au niveau élite et un seul joueur NHL : Alexandre Texier. Une équipe de France « jeune » (en terme de sélection en élite, pas en âge) a été capable de se maintenir. Le sélectionneur déclarait en 2020 qu’il préférait des jeunes pour se maintenir, plutôt que de devoir remonter en élite.
Que retenir de la performance sportive tant collectivement qu’individuellement ?
D’un point de vue collectif, la France reste dans ses standards. Les tricolores ont marqué onze buts soit autant qu’en 2016 à Saint-Pétersbourg, mais moins qu’en 2013, 2015 ou 2018. Sur ces mondiaux, les Bleus marquaient treize buts. Le manque d’efficacité peut être mis en perspective avec les statistiques avancées.
Buts | xG (Expected goals) | |
France | 11 | 17 |
En effet, avec 17 buts anticipés pour 11 buts marqué, nos Bleus ont manqué d’efficacité devant le but adverse. C’est prêt d’un but par match en moyenne 1.57 buts marqué pour 2.4 buts escompté. Ce manque d’efficacité est récurrent et ne permet pas aux Bleus de voir plus haut. Ce but qui « manque », c’est celui face à l’Allemagne (le break de Texier) par exemple, qui aurait pu changer la physionomie de ce championnat du monde pour les tricolores. L’équipe de France a moins tiré aux buts en moyenne par match que ses adversaires 22 vs 34 tirs. Cependant, il y a un motif d’espoir les tirs des Bleus ont été plus dangereux que les opposants avec 0.06xG / tir vs 0.05xG/ tir en moyenne. Cette première approche globale tend à montrer que le secteur offensif est le secteur clé pour espérer de meilleurs résultats. Attachons nous, maintenant, aux cas individuels.
Des tricolores en manque d’efficacité devant le but adverse
Les Bleus doivent trois de leurs onze buts à un seul joueur, Alexandre Texier (27%), il y ajoute deux assistances. Il s’agit du meilleur Bleu sur ces championnats, le plus efficace avec 3 buts pour 2.5xG. Il est suivi par Anthony Rech qui a joué les premiers matchs avec une gêne musculaire. Cela ne l’a pas empêcher d’inscrire deux buts pour 2.2xG. Nous pouvons nous demander si la France n’a pas désormais une Texier dépendance. N’oublions pas qu’avec onze buts, les Bleus cuvée 2022 ressortent avec le plus faible bilan de ces dix dernières années (avec 2016). Peu de joueurs semblent capables de marquer à ce niveau derrière les joueurs de NHL et quelques vétérans comme Sacha Treille ou Anthony Rech. A noter que 27% des buts proviennent des défenseurs Hugo Gallet et Florian Chakiachvili.
# | Nom | Position | Games played | Goals | Points | +/- | xG (Expected goals) |
1 | Alexandre Texier | Fwd | 7 | 3 | 5 | -4 | 2.5 |
2 | Anthony Rech | Fwd | 6 | 2 | 3 | 1 | 2.2 |
3 | Sacha Treille | Fwd | 7 | 1 | 1 | -4 | 1.53 |
4 | Charles Bertrand | Fwd | 7 | – | 1 | -2 | 1.44 |
5 | Jordann Perret | Fwd | 7 | 1 | 1 | – | 1.08 |
6 | Damien Fleury | Fwd | 5 | – | 1 | -1 | 1.04 |
7 | Guillaume Leclerc | Fwd | 7 | – | – | -5 | 0.87 |
8 | Louis Boudon | Fwd | 6 | – | 1 | – | 0.87 |
9 | Yohann Auvitu | Def | 7 | – | 2 | -3 | 0.8 |
10 | Dylan Fabre | Fwd | 7 | – | – | -3 | 0.74 |
11 | Hugo Gallet | Def | 7 | 2 | 3 | 1 | 0.61 |
12 | Valentin Claireaux | Fwd | 7 | 1 | 3 | -2 | 0.54 |
13 | Tim Bozon | Fwd | 7 | – | 4 | -7 | 0.53 |
14 | Florian Chakiachvili | Def | 7 | 1 | 2 | -4 | 0.51 |
15 | Kevin Bozon | Fwd | 7 | – | – | -5 | 0.4 |
Un des motifs de satisfaction de ces championnats du monde est la ligne composée de Valentin Claireaux, Jordann Perret et Charles Bertrand. Ils cumulent à eux trois 3.06xG, pour deux buts marqués. Malheureusement, ce dernier manque toujours d’efficacité en bleu. Un point en sept matchs, malgré de bonnes occasions tout au long de ces championnats comme l’indique les 1.44 buts escomptés en cumulé. A l’image des tricolores, ils se sont montrés dangereux mais peu efficace. C’est un chantier à mettre en œuvre lors des prochains regroupements. A l’image de ce manque d’efficacité, l’avantage numérique en est le symbole, avec 12,50% de réussite. Il s’agit du plus mauvais taux de réussite depuis 2015 et 2016. D’ailleurs, sur ces championnats du monde, la France se dernière avec seulement 16 situations de supériorité ! Les tricolores n’ont pas réussi à provoquer des fautes adverses.
Par ailleurs, Philippe Bozon avait prévenu en amont de ces championnats, les Bleus sont démunis au centre. Nous l’avons bien vu. Privés de Pierre-Edouard Bellemare et Stéphane Da Costa, les Bleus ont « bricolé ». Philippe Bozon espérait aligner une colonne vertébrale composée d’Alexandre Texier, Louis Boudon, Valentin Claireaux et Nicolas Ritz, avec Fabien Colotti en remplaçant.
Alexandre Texier ne s’est pas montré à l’aise au centre. Philippe Bozon l’a compris et a déplacé Damien Fleury au centre. Le capitaine s’est exécuté sans grande réussite. Il a tenté de faire de son mieux alors qu’il n’a pas joué de la saison au centre. Il a manqué les deux derniers matchs du tournoi, lui qui avait déjà manqué une semaine de préparation avant le tournoi pour raisons personnelles. La blessure de Louis Boudon contre la Suisse a accentué le problème. L’attaquant de NCAA a montré de bonnes choses dans ce tournoi et constitue un bel avenir à ce poste. Ses statistiques nous le montrent avec un Corsi à 53%, il est le seul Bleu au-delà de 50%. Il est le meilleur tricolore aux face-off avec 51%, juste devant Tim Bozon. Il a eu un temps de jeu raisonnable de 12’39’’ par match.
Ce que nous pouvons retenir de ce mondial, c’est qu’Alexandre Texier ne souhaite pas jouer au centre. Avec les probables arrêts de Bellemare et Da Costa, la carrière nord-américaine de Boudon, risquent de poser des problèmes majeurs aux Bleus pour se maintenir l’année prochaine. L’absence de centres risque de coûter cher à court et moyen terme. A noter que Dylan Fabre pourrait se développer à ce poste, mais il est encore jeune. Tout comme un absent sur ces championnats : Théo Gueurif. Cela ne se bouscule pas au portillon et c’est une vraie problématique de fond pour les Bleus. En conclusion, l’offensive tricolore est en demi-teinte par rapport aux précédents championnats, ce n’est pas le cas de la défense.
Une brigade défensive solide
L’ère Philippe Bozon a vu la fin de carrière de défenseurs expérimentés comme Kévin Hecquefeuille, Antonin Manavian mais également du gardien Florian Hardy. Le héros de 2017 face à la Finlande. Nous pouvions nous ‘inquiéter du renouvellement des générations. D’autant plus après la déroute de 2019 avec 34 buts encaissés. Le travail effectué par le staff du sélectionneur et plus particulièrement de René Matte a porté ses fruits sur ce championnat du monde. Le jeu défensif a été à la hauteur de l’enjeu.
Certes, les tricolores ont encaissés 24 buts encaissés cette année, cela situe la France en milieu de tableau. Sur l’ensemble de ces buts, trois l’ont été en cage vide. La défaite face au Canada intègre à elle seule, 30% des buts encaissés (hors cage vide). Les statistiques là aussi nous apportent un élément factuel de la bonne tenue de la brigade défensive. Le nombre de buts encaissés corresponds au nombre de buts escomptés : 24. Cela signifie que la défense a été au niveau des équipes auxquelles elle a fait face. Elle a bloqué 34.48% des tirs aux buts. Dans cette brigade, un joueur a apporté énormément de stabilité, Yohann Auvitu. Comme le disait René Matte, dans notre interview « Il stabilise la défensive par son leadership, de par sa façon de jouer, il n’y a pratiquement pas d’erreur dans son jeu. ».
C’est un joueur d’expérience habitué au haut niveau, il faisait sa première apparition depuis les Mondiaux 2018, qu’il avait quitté prématurément sur blessure. Pour son dixième championnat du monde (65 matchs), il a joué en moyenne 23’24’’ par match face aux meilleurs trios adverses. Sa relance et son apport offensif ont été une des clés du succès de cette défense. La défense a également été porté par le défenseur Hugo Gallet jouant près de 20 minutes par match, 2 buts et une assistance. Il est la révélation de ce mondial. L’avenir de la défense tricolore est connu. Il n’est pas passé inaperçu au cours de ce mondial. Cette paire a stabilisé la défense, mais au-delà c’est l’ensemble des défenseurs qui a progressé. Cette progression peut être mis au crédit de Philippe Bozon lui-même qui depuis 2019 ne cesse de répéter qu’il faut progresser dans le jeu sans palet. Ce qui n’est pas dans la culture du hockey en France. Il faut également une défense collective, non pas en duo mais à cinq. René Matte déclarait « Tout commence par Boz’, il a été capable de faire comprendre aux joueurs […] que c’est un travail à cinq, sous la responsabilité de tout le monde de prendre de bonnes décisions avec la rondelle, sans la rondelle… ».
Ce qui n’a pas fonctionné en 2019 a été parfaitement assimilé en 2022. Nous n’avons jamais eu un sentiment de panique en zone défensive. Les Bleus ont été solide et solidaire. Ils se sont appliqués dans leur relances, simplifié leur jeu lorsqu’ils étaient en difficulté. Nous avions rarement vu une défense Bleue aussi bien en place. Le seul point négatif est la gestion des contres attaques rapides lorsque le palet est perdu en zone offensive. Près de la moitié des buts encaissés proviennent de ces situations « off the rush ». Un autre élément de satisfaction, le désavantage numérique, le deuxième meilleur jeu en infériorité après celui de 2014, avec un taux de 85% de réussite (données Instat).
Mais que serait la défense sans des gardiens qui tiennent la baraque. Avant ces championnats, les interrogations étaient grandes. Est-ce que les gardiens seraient à la hauteur ? La réponse est oui. Les deux gardiens Henri-Corentin Buysse et Sébastian Ylönen ont été plutôt solide. Henri-Corentin Buysse a un pourcentage de 89% d’arrêt sur les chances de marquer, à titre de comparaison Philipp Grubauer (Allemagne) est à 87%. Sebastian Dahm (Danemark) est à 82% quand Sebastian Ylonen à 81%. Selon Daniel Weinberg, analyste statistiques, Buysse a notamment sauvé 1.4 buts. Nos deux gardiens ont été solide devant leur ligne. Il aurait été intéressant de voir jouer Quentin Papillon afin de lui octroyer de l’expérience à très haut niveau.
Cette campagne d’Helsinki met en évidence des confirmations comme Hugo Gallet, des joueurs qui déclinent comme Florian Chakiachvili qui sort d’une saison compliquée. Si nous nous tournons vers nos jeunes joueurs, Louis Boudon a fait un bon mondial, tout comme nos gardiens. L’objectif est remplit, mais comment le coaching de Philippe Bozon a évolué et que retenir de son mandat qui s’achève ?
Que retenir du mandat de Philippe Bozon ?
Lorsqu’il est arrivé à la tête de l’équipe de France, Philippe Bozon avait un mandat clair : se maintenir dans l’élite et se qualifier pour les jeux olympiques. Résultat, les Bleus ont été relégué en 2019 et ont manqué les jeux olympiques après la défaite face à la Lettonie à Riga en août 2021. Le sélectionneur avait été très critiqué après la relégation à Kosice, cependant il a pris le taureau par les cornes. Il décida de changer de méthode, afin de mieux faire passer son message auprès des jeunes joueurs (nous l’évoquions ici). Les Bleus se sont tout dit, ils ont eu l’occasion d’échanger avec un coach mental. Résultat, le groupe semble soudé et chaque joueur a le même objectif.
Dans le même temps, le sélectionneur conscient de certaines carences a mis en œuvre des séances de coaching spécifique avec notamment Sébastien Bordeleau. Cela a été mis en place avant le TQO de Riga. Nous avions alors eu l’occasion d’échanger avec ce spécialiste du développement.
Les Bleus devait absolument remonter en élite en 2022, les évènements géopolitiques, leur ont donné le coup de pouce qu’ils n’avaient pas eu depuis 2020. Les tricolores ne pouvaient pas manquer cette occasion. Philippe Bozon est sauvé, la France est maintenue. Par ailleurs, Bozon a renouvelé l’effectif en quelques mois : huit débutants sur 25 en 2022, et il déclare: « Il faut continuer le travail avec ces jeunes joueurs, les sortir le plus possible au niveau international. Là, on est sur une transition d’effectif partielle, mais elle sera peut-être plus profonde bientôt. »
Ce que nous pouvons retenir de ces championnats, c’est que les joueurs ont adhéré au discours du sélectionneur. Cependant, il y a un gout d’amertume car les Bleus auraient pu obtenir des points face à l’Allemagne ou la Slovaquie par exemple. Si la défensive est désormais sûr de bonnes bases. Le mandat de Philippe Bozon se termine le 30 juin 2022. Un mandat en demi-teinte pour le sélectionneur. La France a affiché des progrès sensibles dans le jeu sans palet, dans une meilleure lecture défensive. Il est de notoriété publique que Philippe Bozon suit attentivement ce qui se fait en Suisse. La prestation des Bleus à Helsinki, n’est pas sans rappeler la Suisse il y a une dizaine d’années.
Il reste une question à laquelle nous ne pouvons pas répondre, sera-t-il reconduit après les élections fédérales du 12 juin prochain ? Nous pouvons le penser, mais autour de quel staff ? René Matte quitte l’équipe de France après quatre années de bons et loyaux services. Qui pourrait le remplacer ?
Enfin, de nombreux chantiers restent ouverts et notamment le développement des jeunes, la formation. C’est l’ambition de Philippe Bozon. A l’image de ce qui est fait par le staff de l’équipe féminine, éviter les trous générationnels et mettre en place des standards pour entrer en équipe de France le plus possible. En procédant ainsi, le processus peut se mettre en place pour obtenir de meilleurs résultats. L’objectif affiché est de faire régulièrement un top-8, nous l’avons vu la marche est encore haute. Processus, exigence et développement sont les mots clés pour un maintien à long terme en élite. « Pour viser les quarts, il faudrait des joueurs d’un autre calibre », soulignait Philippe Bozon. Nous savons d’ores et déjà que c’est un travail qui se met en place mais cela prend du temps.
Donnons rendez-vous à nos Bleus à Tampere (?) en mai 2023 pour affronter la Finlande, championne du monde et olympique, la Suède, la Tchéquie médaillée de bronze, l’Allemagne quart de finaliste, le Danemark, l’Autriche et le promu, la Hongrie. Un groupe autrement plus relevé que celui d’Helsinki en 2022.