Dès le printemps 2020, Plandematch proposait un état des lieux de l’impact Covid sur le hockey sur glace en France. La saison 2020-2021 n’a pas un mois d’existence et les questions restent nombreuses. Il est temps pour nous de faire un point tant sur l’état économique, sportif que sanitaire.
Sportivement, le casse-tête.
Depuis le début de saison, il n’y a quasiment pas eu une seule journée qui a pu se dérouler dans sa totalité. En effet, entre les cas covid, les cas contacts ou encore les travaux non terminés nous avons toujours eu un ou plusieurs matchs annulés ou reportés. La ligue avait bien conscience de cela puisque un dispositif de calcul de points en cas de match impossible à jouer a été mis en place. C’est désormais un véritable casse-tête pour les équipes de trouver un créneau supplémentaire entre maintenant et le mois de février ou début mars. De plus, les mesures de couvre-feu qui touchent pour le moment Grenoble, Cergy et Rouen ne facilitent pas les choses. En effet pour certains clubs les matchs en soirée, en semaine sont les plus rémunérateurs comme nous l’expliquait Jacques Reboh, Président des Brûleurs de Loups ; le couvre-feu ne permet plus à ces équipes de jouer en soirée. En effet jouer un match en soirée, signifie le jouer à huis-clos. C’est une perte sèche pour le club. Sachant que près de 80% des recettes proviennent de la billetterie ce n’est pas tenable.
Ces mesures de couvre-feu devrait toucher prochainement d’autres équipes de Magnus et notamment Briançon dès ce samedi, puisqu’il a été décrété un couvre-feu local à partir de vendredi minuit par les autorités locales.
Aujourd’hui, nous avons des équipes de Magnus qui ont joués sept matchs pendant que d’autres n’en ont joués que deux, trois voir quatre maximum. En termes de rythme de matchs c’est complètement hétérogène et pour les préparateurs physique, les coachs et les joueurs c’est un véritable casse-tête. Sans oublier qu’ils leur faut trouver des créneaux pour recevoir ou visiter les équipes qu’elles n’ont pu jouer depuis le début de la saison. La préparation physique pour les équipes est millimétrée pour que le top de la forme intervienne au moment des play-offs avec souvent des planning précis qui suivent le calendrier établit dès le début de la saison. A ce jour il est impossible de fonctionner comme cela et je ne doute pas que l’ensemble des staffs de Magnus travaillent fortement sur ce sujet. A ce jour nous avons 14 matchs reportés sur 528 que compte la saison soit 2,65% du total. Si nous ramenons ce pourcentage après 8journée de championnat alors nous sommes déjà à 30% de reports (14 sur 48 matchs). Nous sommes au-delà du plancher de match acceptable par la ligue et les clubs. Tous ces impacts sportifs ont également un impact économique.
L’économie le nerf de la guerre ?
Comme nous l’évoquions dès le printemps dernier, ces perturbations ont un impact sur le modèle économique très fragile du hockey sur glace. Cependant tous les sports en salles sont touchés mais certains ont des droits TV que le hockey n’a pas (encore?)… Comment alors mesurer l’impact économique ?Tout d’abord revenu sur la structuration des budgets des équipes de Ligue Magnus :
Près de la moitié des recettes proviennent de la billetterie (VIP et grand public), si vous limitez votre jauge d’un tiers voir la moitié, nous pouvons estimer que vous ne percevrez qu’entre 50 et 70% des recettes estimées. Concrètement si vous avez construit un budget d’un million d’euros, 500 000 € provient de la billetterie, sauf que dans la situation actuel vous pouvez d’ores et déjà établir que vous n’aurez que 350 000 € sur les 500 000€, c’est un manque de 150 000 € (ici 15% de votre budget). Les budgets sont montés sur un planning de 44 matchs de saison régulière et pour certaines équipes une qualification en play-offs. Cependant, en amont de la saison il a été convenu que le nombre minimal de match à jouer pour les équipes était de 33 (-25%). C’est à dire potentiellement 10% de recette en moins en fonction des matchs qui ne seront pas jouer en étant conservateur. A titre d’exemple un Bordeaux-Anglet ou un Rouen-Amiens annulé est plus impactant qu’un Rouen-Nice.
L’autre source de revenus sont les subventions des collectivités, alors pour cette année les subventions sont sensiblement équivalentes. Cependant entre les changements de mairie et les priorités sanitaires des différentes collectivités il n’est pas certain que ces subventions perdurent dans le temps. Pour rappel voici l’estimation que nous avions fait au printemps en ce qui concerne le poids des subventions dans les budgets des clubs.
Cette crise impactera les budgets et nous avions fait une projection au printemps. Aujourd’hui nous n’avons pas encore toutes les données des différents clubs de Magnus, cependant nous pouvons imaginer un impact ; et ce même si la masse salariale a baissé pendant l’intersaison. La seule formation qui a communiqué sur son budget de façon transparente pour la saison à venir c’est Amiens qui a indiqué ne pas avoir de baisse dans son budget (contrairement à nos projections cf infra).
L’ensemble de ces éléments nous permette d’affirmer qu’il sera nécessaire de revoir le modèle économique de notre sport, il est nécessaire à terme d’augmenter les sources de revenus. Entre la baisse des subventions publiques, la baisse des apports des sponsors avec la crise économique qui arrive et qui touchera tout le monde, feront que les équipes ne pourront pas maintenir leur niveau de vie.
Et la fédération dans tout cela ?
La fédération a anticipé le plus possible les problématiques des clubs en amont de la saison, avec ses moyens. Elle a adapté le calendrier avec toutes les contraintes que cela implique. N’oublions pas que le fer de lance de la fédération c’est l’équipe de France qui doit absolument se qualifier pour les JO. Les Championnats du monde ne sont pas l’objectif numéro, en effet le pronostic d’annulation de l’ensemble des championnats du monde du printemps prochain est actuellement de 90%. Entre les problématiques politiques en Biélorussie ET la crise sanitaire la probabilité est forte que l’IIHF annule l’ensemble de ces championnats lors de la réunion qui aura lieu mi-novembre. Si les championnats du monde élite sont annulés, tous les autres le seront en cascade puisque ce sont ces championnats qui financent tous les autres. Si c’est le cas, ce serait une opportunité pour la Magnus de voir son calendrier s’étendre sur le printemps dans un environnement qui sera probablement plus propice pour les rassemblements en intérieur (selon les projections actuelles des épidémiologistes).
Par ailleurs, la fédération a crée un fond pour aider les associations de hockey à hauteur de son budget, nous parlons ici de 350 000 €. Cela peut paraitre peu, mais ce montant est supérieur au budget des Equipes de France pour une saison selon nos calculs. C’est important pour une fédération qui a un budget de 6 millions d’euros. Il faudra espérer une CNSCG clémente à l’été 2021 pour que le championnat puisse reprendre son cours sereinement en septembre (?) 2021.
Enfin la fédération s’est réunie mardi dernier pour prendre des décisions concernant la saison actuelle. Voici les décisions importantes qui ont été actés :
Suspendre le déroulement de la Coupe de France en attendant que les clubs engagés puissent défendre équitablement leurs chances dans cette compétition. Afin de pouvoir décaler les tours à jouer, la date de la Finale ne peut plus, à ce jour, être maintenue au 31 janvier 2021 et devra être repositionnée.
Pour les clubs se trouvant dans les zones de restrictions (zones de couvre-feu et zones soumises à des restrictions d’accès aux patinoires pour les joueurs et joueuses majeurs non-professionnels), acter la suspension de leur participation aux compétitions des équipes de D2, D3, U20, féminines et loisirs, et ce jusqu’au moment où ils pourront à nouveau s’entraîner et participer aux rencontres. Cette suspension doit permettre aux clubs qui sont dans l’incapacité de pratiquer de ne plus avoir à gérer la répétition des demandes de report, tout en permettant aux clubs qui le peuvent de jouer tous les matchs qui peuvent l’être.
Par ailleurs, la fédération souhaite engager des discussions et concertations avec les clubs pour faire le point sur la situation sportive et financière. La fédération semble également ouvrir la porte à un blocage des montées et descentes cette année au vu de l’iniquité de la situation.
Enfin, la fédération lance une alerte auprès des autorités pour sauver le hockey français qui se trouve extrêmement fragilisé par cette situation.
Le Bureau Directeur espère vivement que les aides déjà actées et celles en discussion permettront d’aider les clubs à se relancer après la crise sanitaire.
Communiqué de la FFHG – 22 octobre 2020.
Et la santé des équipes ?
Nous avons évoqué le sportif, l’économique mais très souvent nous oublions la santé. Nous faisons tous face à une maladie atypique que nous découvrons un peu plus chaque jour depuis le 12 janvier 2020 date à laquelle le séquençage du virus a été rendu public par les autorités chinoises. En ce qui concerne le hockey, quasiment toutes les équipes ont été touchés par ce virus que cela soit des joueurs, des membres du staff ou de l’organisation et à des degrés divers. Certains sont asymptomatiques et d’autres sont gravement malade. Nous ne connaissons pas les effets à long terme même pour des sportifs de haut niveau et cela pose question. Fabrice Lhenry (entraineur des Dragons de Rouen) l’évoquait lors d’une interview en marge de la CCM Summer cup, le 12 septembre 2020 (à partir de 5’25 »).
Selon des informations certains joueurs touchés ont mis du temps à s’en remettre. Cela n’est pas anodin. Prenez soin de vous et de vos proches. Espérons que le hockey pourra sortir grandit de cette crise, en attendant il est en danger et nous devons en être conscient.