[ap_dropcaps style=”ap-normal”]S[/ap_dropcaps]uite aux dernières mesures prises par le gouvernement dans certaines régions de France, nous avons voulu avoir l’avis de Jacques Reboh, président des Brûleurs de Loups, quel est l’impact de ces mesures sur l’équipe Iséroise ? Comment vit-il ce début de saison ?
Plan de match : M. Reboh, le début de saison des Brûleurs de Loups ne semble pas être à la hauteur des espérances, pourquoi ?
En effet depuis le début de la saison nous accumulons les mauvaises nouvelles. Tout d’abord les travaux de notre patinoire Pôle Sud qui ont pris du retard à cause du confinement ne nous permet pas de jouer à domicile. C’est frustrant pour les joueurs, les fans et l’ensemble de l’organisation. Cela ne nous met pas dans de bonnes conditions non plus d’un point de vue sportif car nous devons nous entrainer à près de 45 minutes de Grenoble à Vaujany. Je n’ai rien contre Vaujany mais cela impacte la routine de nos joueurs et ce n’est pas simple à gérer. Cela nous apporte beaucoup de frustration et l’énergie dont se nourrisse les joueurs grâce aux fans n’est pas là.
Ensuite nous avons eu le déplacement, puis l’annulation de la CHL face à Mannheim. A titre personnel j’étais persuadé que nous aurions pu obtenir un résultat face à cette équipe. Par ailleurs cela nous fait un manque à gagner de près de 100 000 € dès le début de la saison.
Enfin les matchs reportés à cause du COVID nous impacte comme toutes les formations de Magnus. C’est un impact tant sportif qu’économique…
Plan de match : Parlons économie, justement, vous venez d’annoncer un tarif unique à 30€ pour les prochains matchs, pourquoi ?
Tout simplement parce que sinon nous ne nous en sortirions pas. Je vois déjà venir la critique des recrutements de joueurs à prix d’or… Ce n’est pas le cas, l’équipe n’a bougé qu’à la marge cette saison justement parce que nous anticipions une baisse des recettes pour cette saison. Il faut savoir que la plupart de nos joueurs ont des contrats sur plusieurs années… C’est à dire que l’effectif était déjà connu à 90-95% dès la saison dernière. De plus nous ne sommes pas les seuls en France à le faire. Rouen a la même politique que nous. Regardez Cergy a augmenté son abonnement de 20%. Gap a augmenté ses tarifs pour les matchs de Coupe de France. Cette saison est très compliquée pour l’ensemble des clubs de Magnus. Heureusement il existe une solidarité entre les clubs pour trouver les bons créneaux des matchs reportés. Je crois également que les dernières mesures sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase… Vous savez je sais pertinemment que je demande un effort à nos abonnés et je ne le fais pas de gaité de coeur ! Je ne suis pas quelqu’un qui aime tendre la main, mais là nous avons besoin de la solidarité des amoureux de hockey.
Plan de match : Vous voulez parler de la mesure de couvre feu qui impact Grenoble (mais également Cergy et Rouen) ?
Tout à fait. Aujourd’hui avec cette mesure, les Brûleurs de Loups sont pris dans un étau. D’un côté nous sommes limités à 1 000 personnes dans la patinoire et avant 21h00. Cela signifie que nos matchs à fort potentiel pendant la semaine sont nuls et non-avenus. Cela remet en cause nos partenariats grâce auxquels nous arrivons à générer du chiffre d’affaire. Je me vois mal demander à mes partenaires de venir à 17h00 le mardi pour qu’ils puissent voir notre spectacle. En ce qui concerne les matchs du week-ends si je suis limité à 1 000 spectateurs jusqu’à la fin de l’année, je ne sais pas si nous y survivrons. Je suis écœuré par cette situation. Nous sommes le seul club en France, tous sports confondus à être agrée AFNOR dans la mise en place de protocole de sécurité sanitaire. Grâce à ce protocole je sais que je peux faire rentrer 2 000 personnes à Pôle Sud en respectant strictement le protocole sanitaire. Cela a un coût certes mais c’est nécessaire. C’est environ 30 000 € par an. Pour le moment c’est impossible. Il faut bien avoir en tête qu’une soirée de match coûte aux Brûleurs de Loups 10 000 € tout compris (sécurité, VIP, location…). Si nous ne trouvons pas de solution rapidement avec les autorités, les prochains matchs seront à 60 € la place. Cela ne me fait pas plaisir de dire cela, si nous ne le faisons pas… Nous ne survivrons pas et je n’ose pas imaginer la situation des autres clubs en France si nous même ni arrivons pas. Pour terminer, cette situation fait que mon business est divisé par 5 ou 6. Je vous rappelle que le budget des BDL est de 4 millions d’euros, je vous laisse faire le calcul. J’ai à titre personnel remis un montant conséquent dans le club pour assurer sa pérennité.
Plan de Match : … Mais alors quelles sont les solutions possible ?
Les solutions existent à plusieurs niveaux. Tout d’abord négocier avec les autorités pour avoir une jauge plus importante. Je sais qu’en ayant 1600 ou 1700 spectateurs par match sur une saison nous arriverions à survivre
L’autre solution c’est de jouer des matchs dans notre patinoire. Cela signifie que nous aimerions pouvoir jouer pendant les trêves internationales même sans nos joueurs internationaux. Aujourd’hui je ne suis même plus à me préoccuper du sportif mais à la survie économique du club des Brûleurs de Loups. Je sais que d’autres clubs souhaitent faire la même chose. Je parle pour moi mais je sais que beaucoup de clubs sont dans cette situation. Il nous faut préserver la ligue Magnus à tout prix. Nous avons un championnat de qualité qui commence à être reconnu.
Il faut repousser au maximum les matchs en étendant le calendrier. Nous avons un petit espoir, le 17-19 novembre l’IIHF devrait prendre la décision d’annuler les championnats du monde Elite en Biélorussie. Si c’est le cas tous les autres championnats seraient annulés puisque ce sont les Mondiaux élite qui financent tous les autres. Cela nous permettrait d’avoir un calendrier dégagé sur le printemps et nous ne serions pas en interférence avec les championnats du monde en Slovénie courant mai…
Plan de match : malgré tout cela une bonne nouvelle est arrivée : Alexandre Texier joue pour Grenoble, comment cela s’est-il passé ?
Oui dans toute cette morosité, nous avons eu la chance de voir revenir Alex. En fait c’est son agent qui nous a contacté car Columbus ne voulait pas qu’il ne joue pas pendant plusieurs mois. Il devait revenir en France pour être au plus près des siens. Il nous fait un cadeau incroyable pour nous et pour l’ensemble du hockey français. Vous savez dans ce genre de deal vous vous pliez aux demandes de la NHL mais ils ont été très compréhensifs. [NDLR : les assurances sont très souvent prises en charge par l’équipe qui consent le prêt vu les montants importants]. Nous aurions pu le prendre en joueur bénévole nos statuts nous le permettent et il était prêt à le faire. A vrai dire c’est moi qui ai souhaité qu’il ait un contrat afin qu’il soit protégé notamment en cas de blessure et qu’il ait une couverture sécurité sociale en bonne et dû forme. Il a un salaire d’un jeune joueur Français et je le remercie pour son geste.
Plan de match : Votre vision est très pessimiste, diriez-vous que l’ensemble du hockey français est en danger de mort ?
Très clairement oui. Si nous n’arrivons pas à trouver des solutions rapidement afin de faire tourner l’économie du hockey, je ne suis pas convaincu qu’il y ait beaucoup de clubs sur la ligne de départ lors de la prochaine saison en Magnus… Nous y compris. Cette problématique économique s’applique à l’ensemble des sports en salle actuellement. Le sport en France est entrain de mourir.