La France a rendez-vous avec l’histoire en ce dimanche 29 août 2021. Elle fait face à un adversaire qu’elle connait, la Lettonie. Nombreuses ont été les critiques émises ici et sur nos réseaux sociaux sur les lacunes du jeu développé par l’Équipe de France avant et depuis le début de ce TQO, notamment sur le jeu de transition peu efficace entrainant une attaque insuffisante. Quasi toutes nos critiques ont été tués aujourd’hui par des Bleus qui ont simplement réalisé le meilleur match que l’on aurait pu espérer d’eux.

Impliqués, consciencieux, créatifs, disciplinés, la France, si elle a été dominée par une équipe lettone largement supérieure sur le papier, a tenu bon jusqu’au bout et ne s’incline que sur un petit 2-1 en faveur des locaux.

Les Français ont été bons, ils se sont montrés au niveau de l’évènement. Au delà de l’immense déception de penser que la génération dorée du hockey français ne verra jamais les Jeux Olympiques, il n’y aura aucun regret à avoir.

Le but avoué de la troupe de Philippe Bozon était de bousculer les lettons, jusqu’à les faire douter au fil des minutes, espérant alors les voir commettre des erreurs. Et ce fut un duel d’erreurs.

Après 5 minutes fermées, les Lettons se sont créés les premières occasions mais Henri-Corentin Buysse était déjà bien dans son match. La première supériorité lettone a été ainsi absorbée très sereinement par les Bleus. L’occasion de voir aussi que les Français jouaient désormais en 1-3 serré dans la zone neutre, ce qui gêna les entrées de zone lettones. 

Un rebond malheureux contre la bande a empêché la France de rentrer au vestiaire avec un score nul mais au moins les Bleus ont montré dans ce premier tiers qu’ils étaient au rendez-vous. 

Le second tiers a commencé par une supériorité française, l’occasion de voir là aussi une belle amélioration dans les entrées de zone, bien construite comme celle-ci. 

Le match s’est débridé dans ce 2e tiers, le nombre de tirs et chances augmentant des deux côtés mais sans trouver la faille. En fin de tiers, un repli spectaculaire de Damien Fleury suivi d’une percée en contrôle de Stéphane Da Costa donna une autre occasion au Power Play mais sans succès. Il restait 20 minutes aux français pour recoller au score.

Malheureusement, une crosse haute de Romain Bault mit la France à 4 contre 5 et Antonin Manavian se trouva pris de vitesse sur une entrée de zone. Le palet légèrement dévié glissa derrière Buysse. Pas l’action la plus spectaculaire des Lettons mais ceux-ci avaient eu leur quotas de chances avant. À 2-0 le miracle devenait difficile.

Cependant, moins de six minutes plus tard, sur un shift d’un power line Texier-Da Costa-Fleury (là aussi belle initiative), le Parisien trouva la faille, perçant au centre alors qu’un défenseur letton avait pour une rare fois redonné un palet sous la pression de Fleury. À noter le bon soutien de Chakiachvili qui était prêt à offrir une deuxième solution.

Ce support des défenseurs dans les rushes avait fait défaut jusqu’ici à la France. C’est certain qu’un Yohann Auvitu a manqué dans ce tournoi mais lorsque, poussé par le besoin, les défenseurs ont appuyé l’attaque, la France a obtenu ses meilleures occasions. Quelques minutes plus tard d’ailleurs, ce même Chakiachvili avait l’égalisation au bout de la palette sur un jeu similaire.

La fin du match fut un long supplice pour les nerfs, avec les deux dernières minutes passées en supériorité numérique puis à 6 contre 4, mais les Lettons résistèrent. Les tentatives françaises furent surement un peu lointaine mais le bloc letton était bien en place.

Le match en chiffres

Au final, les lettons finissent avec 3.01 expected goals, contre 1.98 pour les français. Une différence qui pronostiquait la victoire pour les lettons 76% du temps. Si nous étions lettons, on dirait peut-être dit que le vol a été évité mais en tant que français, nous savons que ce résultat était le meilleur possible.

À 5v5, les lettons finissent avec 2.01 xG contre 1.13 malgré 34 tirs tentés partout. Les quelques fois où les locaux ont su créer du chaos devant Buysse, et provoquer des rebonds (4 rebonds à 1 sur le match) ont fait mal et heureusement que le portier français a sorti le match que l’on espérait tous.

La carte des tirs est révélatrice en ce sens, voyez à quel point les Lettons ont obtenus plusieurs chances très proches du but (8 chances high-danger à 2 sur le match) alors que si les Bleus ont réussi à entrer dans le slot, il y avait encore un rempart de défenseurs entre le tireur et Punnenovs.

Les Bleus ont au moins su profiter de leur vitesse, encore un nouvel élément positif par rapport aux matchs passés. Ils se sont créés 13 tirs en rush, contre 9 pour les lettons, et 6 chances de marquer à 2. Avec le but de Da Costa pour récompense.

Des rushs permis par de bien meilleures entrées en zone. Nous avions longuement parlé de ce problème depuis le début du tournoi, ce fut bien mieux aujourd’hui. On a vu les meilleurs joueurs français et un Tim Bozon en verve attaquer la ligne bleue adverse en vitesse, forçant les lettons à reculer.

Au final, un 48% d’entrées contrôlées, très loin des 40% face à l’Italie et 38% face à la Hongrie. Ajoutons 31% de high-danger passes réussies et 16 tentatives, une de plus que les lettons, illustrant la volonté de décaler le jeu et trouver des ouvertures dans le dos de la défense.

Les Bleus ont pratiqué un hockey plus offensif, productif, face à une très bonne équipe au niveau international. Cela sans oublier d’être rigoureux en zone neutre. Un hockey qui aidera la France a revenir dans l’élite mondial, même après le départ des cadres actuels. Une philosophie de jeu qui aidera à maximiser les forces de la future génération et qui correspond à la façon de jouer des meilleures équipes mondiales.

Dernier élément de satisfaction, même avec un corps défensif en dessous de leurs adversaires, les français ont encore une fois bien défendu leur slot, coupant 80% des high-danger passes lettones. Une discipline en zone qui restera un motif de satisfaction tout le long du tournoi.

Dans les cages, Henri-Corentin Buysse a confirmé les espoirs de ses partisans, et fait taire ses détracteurs. Sans la fameuse expérience des grands rendez-vous internationaux, le gardien d’Amiens a sorti un grand match, sauvant ainsi 1.01 but par rapport aux 3.03 affrontés, et contrôlant 65% de ses arrêts (contre 66% attendu).

Chez les joueurs, les leaders se sont montrés, quelque chose de récurrent pendant ce tournoi mais certain ont encore élevé leur niveau sur ce match. Stéphane Da Costa bien sûr, à l’aise avec le jeu plus rapide mais qui créa beaucoup de danger, en témoigne ses 0.61 expected goals en 15 tirs tentés (!!!), le meilleur total de l’équipe. Ajoutons un gros 8 sur 9 en sorties de zone, dont 44% menèrent à un tir français, et surtout un 4 sur 5 en entrées de zone, les 4 menant à un tir aussi.

Tim Bozon s’est montré très entreprenant dans un rôle de bulldozer en zone neutre. Le joueur de Lausanne a été au rendez-vous sur ce tournoi, comme lors des derniers évènements internationaux. Charles Bertrand s’est montré, Anthony Rech aussi. Si la France s’apprête à perdre ses joueurs clés, tout le talent ne partira pas à la retraite. Texier a également pris ses responsabilités avec 7 tirs tentés et il aura fait sa part sur ce tournoi, notamment contre la Hongrie.

La déception est grande mais les regrets nuls. La France n’a pas raté son TQO. Elle n’a pas été balayée par la Lettonie sur un score fleuve. Si la génération des leaders n’étaient pas sur le point de partir, ce match constituerait une référence pour le futur. Il faut qu’il le soit quand même. Il faut que le hockey français réalise qu’en jouant un jeu intelligent, il aura le moyen de continuer à se battre avec un peloton de nations proches de l’élite mondial.

Souvenons-nous de ce 29 août 2021 pour les bonnes raisons.


Conférence de presse de Philippe Bozon, coach de l’équipe de France de hockey sur glace :