Stéphane da Costa n’était plus apparu sous le maillot bleu depuis août 2021 et le tournoi de qualification olympique à Riga en Lettonie. Privé de sélection pour blessure ou raison personnelle, il n’a pas pu se joindre aux Bleus depuis le début de la guerre en Ukraine. Il s’est entretenu avec nous pour partager ses réflexions sur son retour dans l’équipe nationale, les défis à venir mais également son parcours, ses aspirations et son amour pour le jeu.

 

Retour aux Racines

Dans l’hôtel des bleus à Ostrava en République Tchèque, Stéphane da Costa répond sans détour à nos questions. Lorsque nous évoquons son retour en bleu ici pour un Championnat du monde, il répond « Ça fait longtemps. La qualif’. J’étais là il y a trois ans, mais ça fait longtemps que je n’ai pas fait un Mondial et ça, ça fait du bien de revenir avec l’équipe de France, » dans un sourire. Son retour tant attendu dans le maillot bleu est un moment de fierté, un rappel de ses débuts et de son engagement envers son pays.

Da Costa évoque avec nous les nouveaux visages de l’équipe de France. Les jeunes qu’il n’a pas eu la chance de rencontrer pendant son absence. « J’ai compté qu’il y en avait dix, que je ne connaissais pas vraiment, que je n’avais jamais vus avant. Mais bon, c’est comme ça, » dit-il avec détachement. Pourtant, il retrouve avec chaleur les visages familiers qui ont partagé les hauts et les bas de son parcours avec l’équipe de France.

L’échange est courtois lorsque nous lui demandons si au cours des dernières années il a eu des contacts avec des coéquipiers, sa réponse se fait hésitante « Oui et non, je garde le contact avec quelques joueurs. Après on a tous nos saisons, nos familles… ». Dans le contexte actuel, l’envie du talentueux joueur des Bleus ne faiblit pas. Lorsque nous lui demandons comment a-t-il réagi lorsque la possibilité de faire les Championnats du monde ici à Ostrava s’est présentée il est direct. « J’ai dit automatiquement oui, j’ai dit si j’ai pas de blessure,  je reviens à 100 %».

L’attaquant français se montre hésitant, il sait que chaque mot qu’il dit sera scruté, regardé, analysé. Le contexte n’est pas simple pour lui tiraillé entre la France et la Russie où est sa vie. Il sait que sa venue a été âprement discutée jusqu’au tout dernier moment.

 

Stéphane da Costa aux championnat du monde à Ostrava (République Tchèque). Crédit Photo : Xavier Lainé

Un engagement inébranlable

Le maillot bleu représente bien plus qu’un simple vêtement pour Da Costa. « J’ai toujours répondu présent pour la France, » dit-il avec fierté. Depuis ses débuts à l’âge de 19 ans, il porte le maillot avec honneur et détermination, un sentiment qui ne s’est jamais estompé au fil des ans.      « Je n’ai manqué qu’un Mondial alors quand je n’étais pas blessé», insiste-t-il. Nous sentons dans ses paroles un attachement très fort à ce maillot et à son pays. Une fierté de jouer « pour la France ». Il évoque la bande de potes, « ces mecs qu’il connaît depuis qu’il a dix ans ».  Une équipe, qui, a Ostrava se devait de se maintenir dans l’élite. Une équipe qui a beaucoup changé au cours des dernières années malgré tout.

L’Équipe de France et la perception de Da Costa sur son évolution.

Au moment de notre entrevue, la France avait déjà joué deux matches, face au Kazakhstan et à la Lettonie. Un bon moyen pour nous de poser la question de l’évolution de l’équipe de France. Da Costa est lucide sur les obstacles qui se dressent sur son chemin et celui de ses coéquipiers. « On s’est tirés une balle dans le pied et à ce moment-là, on a perdu des points, et maintenant il faudra batailler pour rester dans le groupe, » confie-t-il avec une touche de regret. Pour lui, chaque match compte et chaque point est crucial pour l’équipe. Son tempérament de compétiteur prend le pas : seule la victoire compte.

L’équipe de France a changé ses dernières saisons avec de nombreux nouveaux joueurs. Lorsque nous lui demandons ce qu’il en pense, il évoque une équipe « différente ». Pour lui, il n’y a pas deux groupes entre les anciens et les nouveaux. L’équipe s’entend bien mais il faut trouver « l’alchimie ». Il observe que les joueurs travaillent davantage en dehors et sur la glace. Un constat positif sur cette équipe. Cependant, Da Costa est franc dans son analyse. « Il y a une évolution, mais il y a un bémol aussi, » explique-t-il. Il souligne la progression technique et le professionnalisme croissant, mais met en lumière le besoin d’une meilleure tactique et d’une approche plus stratégique du jeu. Il confie alors que cet apprentissage doit intervenir très tôt, au niveau des clubs.

Pour mettre en lumière ce point, il évoque la KHL qui est une ligue avec un sens du jeu bien plus prononcé, selon lui. Cela peut paraître anodin pour certains d’entre vous mais en KHL on « matche » les lignes, ce qui n’est pas le cas ou, à de très rares exceptions, en ligue Magnus par exemple. L’attaquant des Bleus explique que le système de jeu peut changer entre les périodes, au cours d’une même période lorsqu’il évolue en KHL. Ce n’est pas ce qu’il voit en ligue Magnus, ni en équipe de France. Il insiste alors : « si tu ne fais pas attention à tous ces détails, tu prends un but ou tu es ‘bencher’ tout le reste du match ». En l’écoutant nous comprenons bien que la France avance mais à petits pas et qu’il reste encore beaucoup de travail pour « matcher » les plus grosses équipes.

Alors que nous discutons des échéances à venir, Da Costa reste pragmatique. « On ne peut pas le prédire, » admet-il. Pour lui, l’avenir du hockey français dépend de l’engagement et de la détermination de chaque joueur, ainsi que de la capacité de l’équipe à s’unir pour surmonter les défis à venir. Si l’équipe arrive à être au complet, la France est une équipe qui est « assez solide ». Il faudra « jouer match par match et on peut être assez confiant ». Le groupe du TQO ne sera pas simple avec la Slovénie, la Lettonie et l’Ukraine.

Sa vie en KHL

Alors qu’il décrit le fonctionnement tactique de la KHL, nous abordons sa saison et ce qu’il en pense. Il explique que sa saison a été « correcte » [NDLR : L’Automobilist de Ekaterinbourg a été éliminé en demi-finale par le Metallurg de Magnitogorsk] avec des « hauts » et des « bas » et pour lui ce n’est pas « assez bon quand on ne gagne pas ». A regret, il évoque une défaite en sept matches alors que Magnitogorsk devient champion en quatre matchs. Stéphane Da Costa a la haine de la défaite, il ne s’en cache pas. Sa saison suscite chez lui des émotions mêlées de « fierté » et de « déception ». Le parcours est beau mais son équipe n’a pas gagné alors qu’elle avait l’effectif pour aller au bout. Lorsque nous lui rappelons que Ekaterinbourg a tout de même éliminé Kazan ou le CKA de Saint Pétersbourg sa réponse ne se fait pas attendre « oui, c’est bien mais ce n’est pas le bon état d’esprit ». Un état d’esprit qui l’énerve et qui ne mène à rien de positif, selon lui.

La KHL est la ligue russe et, en Russie, il est considéré comme une star de cette ligue. Une ligue très bien médiatisée et lorsque nous abordons le sujet sur sa médiatisation, il coupe net : « je refuse toutes les demandes médiatiques ». Le message est passé, la parole de Stéphane Da Costa est rare.

Au détour de la conversation, nous ne pouvions pas ne pas évoquer notre marotte, les statistiques avancées. Sont-elles utilisées en Russie, est-ce qu’elles font partie intégrante des Plans de Match ? Da Costa confie que : « Oui, ils commencent à l’utiliser de plus en plus », mais lui ne croit pas à ces statistiques. Une réponse qui ne nous étonne pas, le hockey se vit au feeling pour de nombreux hockeyeurs nés jusque dans les années 1990. Néanmoins, nous notons que les « analytics » s’étendent de plus en plus dans toutes les ligues de hockey à travers le monde.

Au-delà de la glace, vivre en Russie implique de parler la langue. Stéphane Da Costa parle parfaitement russe. En abordant ce sujet, c’est avec beaucoup de détachement et d’humilité qu’il indique avoir appris sur le terrain « au cours des neuf dernières années qu’il a fait là-bas », il ajoute qu’il n’a jamais pris de cours de russe. C’est au contact de ses coéquipiers dans le vestiaire qu’il a commencé à apprendre et à parler de plus en plus russe. Il confie également que « ça aide un peu que ma mère soit polonaise ».  Il vient de signer pour une nouvelle année à l’Automobilist d’Ekaterinbourg et après ? « Je ne sais pas ce que je vais faire. Cela dépendra des options qui se présenteront », livre-t-il sans détour.

Présentation sur le 4 faces de Stéphane da Costa – championnat du monde élite à Ostrava (république Tchèque). Crédit photo : Xavier Lainé

Sa carrière entre NHL et KHL, sans regret

Nous ne pouvions pas passer à côté de sa carrière et d’évoquer la NHL. Il nous décrit avec précision le temps passé en NHL. Dans un premier temps, ses trois premières années avec des contrats « two-ways ». Au bout d’un certain temps, il a souhaité jouer uniquement dans la grande ligue et éviter de faire des allers-retours. « Je pensais le mériter à ce moment-là », nous confie-t-il. Malheureusement, la franchise des Ottawa Senators lui rétorque qu’ils ont déjà trop de contrats NHL. C’est à ce moment-là qu’il décide de partir en Russie. Il n’a « aucun regret quant à son choix de partir là-bas ».

Après avoir joué un an en Russie, il souhaite revenir aux Etats-Unis car il a fait une bonne année. Avant de partir, il avait indiqué aux Senators qu’il ne souhaitait pas revenir chez eux. En effet, la franchise détenait son contrat NHL. Si elle le souhaitait, elle pouvait bloquer ses droits à discuter avec d’autres équipes. C’est ce que les Senators ont fait. Il a fait le choix de la Russie, en signant pour deux ans avec le CSKA de Moscou. Son contrat s’est terminé alors que les championnats du monde ont lieu à Paris.

Au cours de l’été, il a subi une grosse opération, « pas liée au hockey », alors qu’il était en pleine négociation avec les Oilers d’Edmonton. Alité pendant deux mois, il décide de prendre contact avec le général manager d’Edmonton [Peter Chiarelli, ndlr] pour lui indiquer qu’il souhaite « arrêter les négociations […], car cela ne sert à rien ». Compliqué pour le joueur français de pouvoir se projeter alors que les médecins lui indiquent qu’il ne pourra pas jouer avant novembre de la même année. Ce fut le dernier contact avec la NHL pour Stéphane da Costa.

La NHL est bien connue des suiveurs de hockey en France, la KHL beaucoup moins voire pas du tout. La raison est simple, en dehors du contexte actuel, il n’a jamais été simple de suivre cette ligue. L’occasion était trop belle : quel est l’accueil qu’il a reçu dans les clubs dans lesquels il est passé ? Toujours dans son style direct, il indique n’être passé que dans des « gros clubs » et « n’avoir jamais eu de problème ». Les clubs dans lesquels il a joué se sont toujours « occuper à fond de (lui), mettant tous les moyens » pour qu’il se sente en confiance. Da Costa évoque une prise en charge très « professionnelle ».

Au-delà de la glace, qui est Stéphane da Costa ?

En dehors du hockey, Da Costa c’est un homme de famille. Il parle avec tendresse de ses enfants et de son rôle de père. « J’ai un été normal, je passe du temps avec mes enfants à la maison, » dit-il avec douceur. Pour lui, l’équilibre entre sa carrière et sa vie personnelle est essentiel. Il aborde les autres sports qu’il pratique et c’est plutôt hétérogène, en partant du tennis jusqu’au basket, en passant par le ping-pong. Il confie avoir « pratiqué tous les sports quand j’étais petit » et aimer tous les sports.

Stéphane da Costa aux championnat du monde à Ostrava (République Tchèque). Crédit Photo : Xavier Lainé

Stéphane Da Costa avoue aussi ne pas regarder le hockey, « quand je ne joue pas, je ne regarde pas ». Il regarde la ligue Magnus uniquement quand son frère (Teddy) joue (aux Spartiates de Marseille). « Cela fait trop de hockey » sinon, livre-t-il. Il insiste « je ne vais pas regarder du hockey quand je suis en vacances ».

C’est un joueur passionné et passionnant que nous avons eu l’occasion de rencontrer à Ostrava. Il a donné ce qu’il a pu au cours de ce Mondial. Il sera présent en Lettonie pour le TQO si tout va bien. En effet, alors que nous venions de terminer notre interview en zone mixte après la victoire face à la Pologne, nous l’avons vu boîter. Nous lui avons demandé si tout allait bien et il nous a répondu avec son style bien à lui : « j’ai pris une de ces béquilles mon pote… ». L’attaquant des Bleus est attachant, parfois difficile à suivre mais éminemment passionné. Il a beaucoup apporté à l’équipe de France sur la glace et sa « grande gueule » peut parfois décontenancer mais notre échange nous a convaincus d’une chose. Stéphane da Costa, derrière les mots, est un homme gentil et affable qui souhaite qu’une seule chose : pouvoir jouer au hockey et profiter des siens.

Stéphane da Costa aux championnat du monde à Ostrava (République Tchèque). Crédit Photo : Xavier Lainé