[ap_dropcaps style=”ap-normal”]D[/ap_dropcaps]imanche 16 février à l’Accor Hôtel Arena aura lieu la finale de la coupe de France de hockey sur glace. Plan de match vous propose une approche statistique de cette rencontre. A notre demande, Magnus Corsi nous offre cette analyse.

Le hockey ne devrait jamais se jouer sur un seul match car ce sport est imprévisible sur 60 petites minutes tant l’impact de la réussite peut être grand. Un gardien en état de grâce, un autre un peu gêné par une blessure ou un mal de ventre… Mais nous y voilà. À Bercy. Pour la finale de la Coupe de France 2020 entre Rouen et Amiens. Sur un match tout peut arriver.

C’est la magie de la Coupe dit-on. Enfin, si on est du côté des vainqueurs. Les vaincus trouvent ça plutôt amer comme concept. Mais bon, risquons-nous quand même à quelques analyses.

Le tenant du titre contre l’équipe qui monte

Dans son malheur du début de saison, Rouen donne un peu l’impression de passer inaperçu malgré leur nouvelle seconde place au classement. Un début de saison en deçà des attentes pourtant uniquement dû à un Matija Pintaric qui se réveillait doucement, et à des tireurs bien mal inspirés. Le fond de jeu n’était pas en danger et Rouen trône depuis septembre tout en haut des statistiques analysant les performances offensives et défensives.

Et là réside la différence majeure entre les deux candidats de dimanche. À 5v5, Rouen peut se targuer d’avoir la 2e attaque et la meilleure défense de la ligue en termes de buts anticipés créés et accordés. À l’inverse, Amiens montre la 5e défense et surtout la 8e attaque. Quoi? Et oui, le mal est récurrent au-delà de cette saison. Et en 2019-20, seuls Nice, Anglet et Briançon produisent moins de danger offensivement que les Gothiques à 5v5. « Ouais mais les stats et les buts qui n’existent pas, c’est bien joli, seuls les vrais buts comptent! ». Si cela peut paraitre plus tangible, Amiens est 7e de la ligue pour les buts marqués par 60mn de jeu.

Un mal profond qui provient en grande partie du jeu de transition d’Amiens, qui envoie sans vergogne le palet en fond de zone adverse pour tenter ensuite de le récupérer aux forceps. Les Picards se classent ainsi, de loin, derniers de la ligue pour les entrées de zone réalisées en contrôle (lire le graphique du bas vers le haut). Et 7e pour les sorties de zone (de gauche à droite). Un domaine où Rouen n’a aucun rival en France sous l’ère Fabrice Lhenry, alors que les Dragons basent, eux, leur jeu sur une conservation du palet, des changements d’ailes rapides pour prendre à revers les défenses adverses, et une recherche des chances de qualité au centre de la glace.

Heureusement les Gothiques peuvent compter sur le meilleur gardien de Magnus cette saison mais Pintaric suit de près au 2e rang. Saint patron de l’équipe, Henri-Corentin Buysse tire une sacrée épine du pied de ses partenaires soir après soir, alors que les tireurs d’Amiens ne viennent pas vraiment à la rescousse (7e rang de la ligue). Rouen 5e remonte au fil des matchs de sa torpeur automnale.

« Nan, mais la critique est facile quand même! ». Pour parler français, il reste un chiffre bien tangible, celui-là. Le différentiel de buts d’Amiens à 5v5 cette saison est de +3. 61 buts pour, 58 contre. Rouen est à +42, Angers +25, Grenoble +66.

La vérité est ailleurs

Alors comment fait Amiens ? Les Gothiques ont une arme de destruction massive leur supériorité numérique. Celle-ci se classe 2e de la ligue pour les buts anticipés créés et également pour les buts marqués, derrière Angers. En avantage numérique, Amiens propose un jeu léché, propulsé par un groupe de joueurs qui se trouvent les yeux fermés. Les Gothiques sont ainsi l’équipe qui tente le plus de passes high-danger (vers le centre de la glace), avec en prime le 2e taux de réussite de la ligue! À l’inverse, Rouen stagne plutôt dans la moitié de tableau en Power Play.

Mais là où le duel devient intéressant (même si ce n’est que sur un match), c’est que l’infériorité numérique de Rouen est la 2e de la ligue pour les buts anticipés accordés, et 4e pour les buts encaissés. Nous aurions donc un duel entre un excellent Power play amienois et une bonne infériorité rouennaise! Et dans l’autre sens, une supériorité rouennaise moyenne contre une infériorité amiénoise médiocre, celle-ci étant 9e aux buts anticipés accordés, et 6e aux buts encaissés (là encore, Buysse sauve les meubles).

En résumé : Amiens est une équipe moyenne à 5v5, et qui capitalise sur les supériorités numériques pour l’emporter, tant que Buysse peut tenir la baraque. Rouen présente un bien meilleur visage au général, dominant ses adversaires dans le jeu. Mais cette capacité d’Amiens à capitaliser sur des éléments charnières comme un bon gardien et les supériorités les rendent dangereux, encore plus sur un seul match…

L’historique cette saison

Tenant du titre, Amiens n’a plus perdu en Coupe depuis le 24 octobre 2017, un 8e de finale contre… Rouen justement. C’était aussi la dernière fois qu’Amiens a joué une équipe du top8 de la ligue en Coupe. Éliminer Gap (alors 9e) en quarts cette année étant la confrontation la plus ardue sur le papier qu’ils aient eu à subir. C’est aussi ça la magie de la Coupe.

Les quatre duels de saison régulière ont déjà eu lieu. Une victoire de Rouen 3-2 aux tirs aux buts, une victoire 3-2 d’Amiens, la victoire 8-1 de Rouen et une dernière 2-1 de Rouen encore aux tirs aux buts le 17 janvier. Sur les quatre matchs, Rouen a remporté les débats à 5v5 10 buts à 4 mais surtout avec 64% des tirs tentés (199 à 114) et 58% des buts anticipés. Amiens a inscrit 3 buts en supériorité, contre 1 pour Rouen, en plus de nombreuses occasions qui compensaient l’écart à 5v5. Au total, 13 buts à 7 pour Rouen, 58% des tirs tentés mais juste 51% des buts anticipés : 11.1 à 10.6. L’illustration parfaite qu’Amiens s’accroche quoi qu’il arrive.

La Coupe à Rouen ?

C’est le pronostic de notre modèle Camembert, mais d’un cheveu : 51% à 49%. S’il faut rajouter la dynamique actuelle, les Dragons semblent avoir un avantage de plus alors qu’ils montent encore en régime, quand Amiens semble en baisse de régime.

De plus, les recrues trouvent leurs marques. Mikko Lehtonen présente déjà le meilleur Game Score/match de l’équipe (statistique qui mélange les points, le différentiel à 5v5 et les pénalités prises), devant Deschamps et Caron. Et Cam Barker est lui aussi leader chez les défenseurs, juste devant Chad Langlais. Avec des performances au même niveau que Louis Belisle. Ces ajouts qui augmentent encore la profondeur de Rouen sont des atouts de poids quand Amiens perd vite en qualité derrière Belisle et le trio de Giroux-Halley-Romand devant, même si Giroux et Halley sont respectivement 3e et 9e de la ligue au Game Score.

Enfin sur un match tout est possible. C’est la magie de la Coupe diront dimanche soir une moitié des supporters présents.