Depuis plusieurs semaines, plusieurs mois, les complaintes contre l’arbitrage en Synerglace Ligue Magnus se multiplient. Les playoffs viennent de débuter et déjà des polémiques émergent. Ces reproches viennent des supporters, des coachs mais aussi des joueurs. Il était temps pour nous de faire un point sur l’arbitrage en France dans notre sport. N’oublions pas que les arbitres ont, n’en déplaise à certains, un rôle clé dans le jeu. Ces femmes et hommes sont les régulateurs du jeu en faisant respecter les règles en vigueur.
Le cadre est posé, les arbitres sont les garants du jeu mais ils restent humains. Peu importe la discipline sportive, peu importe le championnat, l’arbitrage est souvent voire très souvent contesté. A titre d’exemple, un seul parmi d’autres, souvenez-vous en NHL en 2019 San Jose -Las Vegas du premier tour, une pénalité de 5 minutes est appelée (litigieuse) permettant aux Sharks de marquer plusieurs buts.
Cependant, ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est la Synerglace Ligue Magnus et saison après saison de nombreux acteurs du hockey tricolore se plaignent de l’arbitrage. Cette saison en bruit de fond ce sont les coachs qui s’en plaignent de façon ouverte. Nous avons eu l’occasion de recueillir certains propos lors de conférences de presse pas très « flatteur ». Ici Éric Blais (Rapaces de Gap) et Mario Richer (Gothiques d’Amiens).
L’arbitrage lors de la dernière Finale de la coupe de France a également fait couler beaucoup d’encre. Et pourtant, le règlement a bien été respecté… A décharge, arbitrer le sport le plus rapide au monde n’est pas chose aisée. Prendre une décision en une fraction de seconde sur un « accrocher » à plusieurs mètres de distance ou un « faire trébucher », il faut être sûr de son jugement. Vous me direz, ils sont « payés pour ça », c’est leur « métier ». En êtes-vous sûrs ? Les arbitres sont défrayés et non rémunérés. A la différence des joueurs et des coachs, ils ne sont pas professionnels en France. Nous avions eu l’occasion d’en discuter au cours d’un podcast la saison passée.
Par ailleurs, il y a la Loi et « l’esprit de la loi ». C’est peut-être philosophique pour vous mais cela veut dire beaucoup. La règle c’est la règle mais elle s’accompagne d’un contexte et d’un angle de vue. Sur la glace, les arbitres ont des placements particuliers et doivent suivre le cours du jeu, sans avoir la possibilité de revoir chaque action à la vidéo. C’est différent lorsqu’on regarde un match sur Sport en France, en tribune ou derrière un banc avec l’affect que met un supporter dans un match.
Alors que peut-on reprocher au corps arbitral ?
Communication verrouillée et incohérence des décisions
Nous l’évoquions en préambule, les arbitres sont les garants du respect des règles sur la glace. Pour que les règles soient connues, elles doivent être communiquées. Chaque année, l’IIHF envoie à toutes les fédérations les nouvelles règles applicables et les arbitres en prennent connaissance. Ensuite, elles sont communiquées aux clubs amateurs…
Il n’existe pas de communication officielle auprès des clubs de Synerglace Ligue Magnus, les staffs des différentes équipes doivent demander à leur club amateur les nouvelles informations. Ensuite, il n’y a pas non plus de communication régulière entre les coachs et les arbitres pour expliquer les différentes décisions ou nouvelles règles. Ce n’est pas par hasard que notre article sur les nouvelles règles applicables fait un carton chaque année.
Cependant, nous avons eu l’occasion de rentrer au cœur de l’arbitrage, sans tabou au cours d’un match de play-offs la saison dernière. Un reportage sur le vécu des arbitres et des superviseurs au plus près de la réalité de la glace. Au-delà d’une communication qui paraît défaillante, l’incohérence des décisions d’une patinoire à l’autre, d’un match à l’autre est profondément déstabilisante pour les équipes. L’ensemble de ces éléments ne prône pas la sérénité entre les différents acteurs et spectateurs du jeu.
Depuis deux saisons désormais, les arbitres peuvent communiquer entre eux (le superviseur peut juste écouter ce qu’il se dit mais ne peut pas parler aux officiels sur la glace), pourquoi ne pas le faire dans les patinoires. Il semblerait que le coût de mise en œuvre soit exorbitant. Cela apporterait plus de transparence. Transparence, le mot est lâché.
L’arbitrage, partial ?
La réponse à cette question est claire : Non. L’arbitrage n’est absolument pas partial, les « zèbres » arbitrent avec leurs armes et celles qu’on leur donne. Ils manquent surement de formation et d’accompagnement. Peut-être même de temps pour bien se préparer dans un hockey moderne de plus en plus exigeant.
Cependant, le monde du hockey est un monde très petit à l’échelle de la France et charte d’éthique et de déontologie de la FFHG peut être mise à mal. En effet, dans le microcosme du hockey, tout le monde le sait. En effet, un membre éminent de la Commission d’Arbitrage et Règles de Jeu (CARJ) a été, alors qu’il exerçait au même moment son mandat fédéral, actionnaire d’un club majeur de Synerglace ligue Magnus. La Fédération et le club s’apercevant de la situation, il lui a été demandé de vendre dernièrement ses parts afin de respecter le code de déontologie l’éthique et la morale afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Cela a été fait, il reste cependant partenaire dudit club à un niveau peu important, mais partenaire privé avec l’une des sociétés qu’il dirige tout de même.
Sur ce sujet, nous avons interrogé plusieurs arbitres qui nous ont tous confirmé qu’ils n’avaient reçu aucune prérogative particulière lorsqu’ils arbitraient ledit club. Malheureusement, ce type de situation qui est clairement un conflit d’intérêt caractérisé entame la confiance des acteurs.
Beaucoup s’expriment à mots couverts avec beaucoup de craintes. C’est une vraie problématique car toute organisation humaine repose sur la confiance mutuelle. Elle semble rompue actuellement. Transparence et confiance deux éléments nécessaires à un arbitrage sain qui ne semblent plus être réunis.
Confiance rompue, crise du management
Une confiance rompue, des arbitres en désaccord avec leur hiérarchie le feraient savoir en interne alors que d’autres vont jusqu’à raccrocher les patins en cours de saison. Ces défections semblent s’accélérer ces dernières semaines. Une fois encore, à mot couvert Benjamin Gremion a annoncé arrêter en raison de désaccord avec le management.
Après avoir dit Stop ce dimanche, je voudrais remercier très sincèrement les collègues qui m'ont accompagné sur la glace pendant ces 23 saisons. Je voudrais y associer l'ensemble des Tables de marque, coéquipiers souvent bénévoles, essentiels à notre fonction arbitrale.
— Benjamin GREMION (@Gremion_Benji) February 7, 2023
D’autres pourraient suivre, selon nos informations, un autre arbitre a décidé d’arrêter sans l’avoir annoncé officiellement. Cette crise est puissante, très puissante à tel point que les arbitres n’hésitent plus à remettre en cause des décisions prises en Commission disciplinaire à travers les médias. Il y a quelques semaines, l’AAHG a répondu à une interview de Damien Fleury sanctionné de 5 matchs ferme dans le Dauphiné Libéré.
La position de l’AAHG est simple : le règlement n’a pas été respecté. Un message fort dans une crise de confiance larvée. Disons-le franchement, Fabrice Hurth est au cœur de la polémique et les staffs en sont conscients. Les dernières sorties sur l’arbitrage ne blâmaient pas les arbitres mais la direction. Sébastien Oprandi déclarait : « Je n’en veux pas aux arbitres, ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’on leur donne. Il faut que la fédération prenne conscience du problème ! ». Manque de transparence, perte de confiance, l’arbitrage en France est en crise. Et Maintenant ? Quelles solutions ?
La professionnalisation, réponse à toutes les problématiques ?
Beaucoup de suiveurs demande une professionnalisation de l’arbitrage. Nous ne sommes pas certains que cela soit la recette miracle à court terme. D’autres ligues ont des arbitres professionnels mais en nombre limité. A titre d’exemple, la LNA a commencé à professionnaliser quelques arbitres au tournant des années 2010. Aujourd’hui, la LNA compte dix arbitres professionnels.
Actuellement, la Synerglace Ligue Magnus compte 32 arbitres, la professionnalisation demande une organisation différente et des coûts supplémentaires. Sans aller jusqu’aux ligues d’Europe du Nord où les arbitres sont rémunérés jusqu’à 9 000 euros NET par mois, il n’est pas certains que les clubs et la Fédération soient prêts à rémunérer les arbitres 3 ou 4 000 euros mois plus les divers frais annexes (déplacements, hôtels, matériel…). Imaginons, dans un premier temps deux arbitres professionnels à 4 000 € par mois net. C’est un coût annuel de près de 170 000 euros.
En comparaison, les arbitres sont défrayés par les clubs, ils se partagent à quatre environ 2 500 euros par match. Admettons que le partage soit équitable, ils touchent 600 € par match pour leur frais. Disons six matchs par mois cela représente 3 600 € brut auquel il faut retrancher les frais de transports, de bouche, d’hôtel, d’équipement, puis les impôts.
Et la fédération dans tout ça ?
Les derniers évènements en Synerglace Ligue Magnus mais pas seulement ont alerté la Fédération qui semble prendre le problème à bras le corps. En effet, depuis plusieurs semaines le comité directeur serait en chasse d’un nouveau référent arbitrage.
L’objectif est de prendre un permanent sur trois ans qui aura pour mission de faire un diagnostic de la situation et mettre en place un plan d’action pour rendre l’arbitrage plus lisible. Une piste avait été trouvée il y a quelques semaines mais n’aurait pas abouti.
Le sentiment d’urgence est réel du côté de la Fédération puisque la volonté est de mettre en place ce nouveau référent avant la fin de la saison afin de partir sur de nouvelles bases dès la saison prochaine.
Avoir un arbitrage plus transparent, en confiance et moins décrié est un élément clé de la structuration et la professionnalisation du hockey. La Fédération Française de Hockey sur Glace en est consciente et ce dossier sensible commence à fortement irriter. Les clubs devront aussi prendre part à la discussion et probablement au financement. Les prochaines semaines pourraient réserver quelques surprises. Nous ne manquerons pas d’évoquer ce sujet dans nos colonnes.