Dans le cadre de notre enquête sur l’impact de la crise sanitaire sur le hockey sur glace, nous avons voulu donner la parole au seul agent de joueurs certifié en France. Une bonne occasion pour nous de faire un point sur un élément clé du développement du hockey : les JFL (joueurs formés localement). Dorian Auzou a bien voulu répondre à nos questions.

Plan de match : Avec ton métier tu as une bonne vision du marché des transferts en France, Quel est l’impact sur les budgets des clubs ?

A l’heure actuelle je ne vois pas de changement particulier, il y a une forte demande que cela soit en Magnus ou en D1 ; en revanche les budgets présentés sont annoncés en baisse de 20 à 30%. De mon point de vue l’impact sera visible à la reprise. Si la demande sur les JFL est forte, c’est notamment parce que les clubs ne savent toujours pas si les Nord-Américains seront en mesure de venir en Europe. Ensuite pour les clubs ils ne savent pas s’ils pourront remplir les patinoires, notamment sur la partie VIP des places.

 Plan de match : Est-ce que la crise fait peur aux joueurs nord-américains pour venir en Europe ?

La crise sanitaire touche tout le monde actuellement et particulièrement les Nord-Américains. Tout dépend le pays. Les Canadiens ne sont pas plus inquiets que cela, les Américains beaucoup plus. Les Américains sont plus présents en D1 et les Canadiens en Magnus.

Plan de match : Est-ce que les stats avancées sont utilisées pour “vendre” tes joueurs en Europe ou en France ?

Pas du tout ou très peu. Parce que mon marché principal est celui des JFL. C’est un marché à part. Tout d’abord parce que les statistiques ne sont pas forcément disponibles ou justes. Mon métier ressemble plus à celui d’un scout. Je suis mes joueurs, je discute avec eux souvent ou avec leurs coachs. Il y a une relation humaine qui est forte. On évalue le travail à l’œil nu sur la glace. Mon métier est d’accorder trois visions différentes celle du joueur, de l’entraineur et la mienne. Ce travail de synthèse me permet d’apporter une vision précise à l’entraineur qui surveille aussi le joueur. Chaque technicien est différent et il faut aussi connaitre la philosophie des coachs pour proposer le joueur qui correspond.

Plan de match : Est-ce que tu identifies des différences en fonction de la nationalité du coach ?

Tout à fait. Un coach français sera plus à même de donner du temps de jeu à un Français. Aujourd’hui les règles font que les équipes se doivent d’avoir des JFL mais ensuite l’entraineur peut les positionner n’importe où dans l’alignement. Les coachs étrangers quand ils arrivent, n’intègrent pas bien cette problématique. Il faut souvent expliquer la règle au coach et défendre les intérêts des JFL. Ce n’est pas toujours évident.

Plan de match : Un bon JFL, c’est primordial pourtant pour une équipe de Magnus ou de D1 ?

Oui. Les coachs en ont pleinement conscience. Un bon JFL c’est le nerf de la guerre. C’est une plus-value. Les équipes qui fonctionnent le mieux sportivement, ce sont celles qui ont de la profondeur avec des JFL.

Plan de match : D’un point de vue budget, les JFL ce ne sont pas eux qui grèvent les budgets, si ?

Pour être tout à fait transparent, aujourd’hui un JFL gagne en moyenne entre 12 et 16 000 € par saison (NDLR : souvent les joueurs sont payés sur 9 mois). Tout dépend ce que le joueur peut apporter. Le salaire n’est pas toujours au centre des préoccupations des jeunes joueurs, la clé c’est le temps de jeu. Lorsqu’un coach monte son équipe, il pense aussi à assurer son poste cela implique plusieurs contraintes pour lui et nos JFL. Tout d’abord tout dépend de la qualité du joueur et du rôle qui souhaite jouer et de son temps de jeu. Il y a également des postes qui sont plus à risques que d’autres. Typiquement un gardien aura beaucoup plus de mal à trouver un poste régulier. Souvent les coachs vont préférer un gardien étranger, d’autant plus si le coach est étranger. Il va prendre une valeur sûre à ses yeux quand bien même les jeunes Français sont bons. Ce poste est clé dans un alignement et les coachs sont beaucoup plus intransigeants avec les JFL. C’est plus dur pour les gardiens français d’avoir des chances de départ.

Plan de match : On voit bien que la vie de JFL n’est pas simple, pourtant clé dans le développement du hockey, as-tu des contacts réguliers avec le staff de l’Equipe de France ?

Oui les JFL sont clés dans le développement du hockey mais le lien avec l’équipe de France doit s’inscrire dans la durée. Il faut faire ses preuves même en tant qu’agent. Je commence seulement à avoir des contacts réguliers avec le staff de l’équipe de France.

Plan de match : Ton métier est clé, comment fonctionnes-tu ?

Ma rémunération est un pourcentage du contrat auquel s’ajoute des frais de dossier. Je suis le seul agent certifié en France. On parle de professionnalisation du hockey et je suis pour à 200% et pour l’ensemble des acteurs de ce sport. C’est-à-dire aussi bien les clubs, les joueurs, les agents… Aujourd’hui nous n’en sommes qu’aux balbutiements de cette professionnalisation. Cela passe à mon sens par des contrats en bonne et due forme pour les joueurs et un développement de la filière des agents de joueurs en France.