À la suite de l’arrêt de la saison de Ligue Magnus en mars dernier, Magnus Corsi a dans la foulée annoncé la fin de son aventure. En effet, et cela ne change pas, nous ne trackerons plus les matchs pour les analyser comme lors des trois dernières saisons.
Par contre, nous avons également dit vouloir rester présents dans la mesure du possible, utilisant les données collectées par la Ligue afin de les analyser. C’est déjà ce que nous faisions l’an passé pour les performances individuelles des joueurs avec l’indicateur Game Score, qui prend en compte les points, le différentiel de buts à 5v5, les tirs cadrés et les pénalités prises pour créer une note globale.
Nous avons également continué à donner les projections en points pour les joueurs de la saison 2020-21, en espérant que saison il y ait…
Mais nous voulions faire plus.
Ne pas abandonner Camembert
L’outil de pronostics Camembert est honnêtement l’un des plus beaux succès de l’aventure Magnus Corsi. Alliant utilité des stats et l’aspect ludique du pronostic, Camembert a réussi à réunir sceptiques et convaincus des stats autour de lui. Que ce soit pour le féliciter ou le moquer malgré ses 70.6% de bonnes prédictions…
Mais Camembert reposait sur les données trackées par Magnus Corsi à chaque journée. Le modèle se basait en effet sur les performances collectives des équipes à 5v5, en unités spéciales, la force des gardiens et des tireurs. Ces données ne seront donc plus collectées cette saison.
La solution constituait à passer d’un modèle basé sur la performance des équipes, à un modèle basé sur la performance des joueurs de l’équipe et donc la somme de leurs talents. La nuance concrète étant que, par exemple, les stats collectives de Rouen dans Camembert ne changeaient pas si Matija Pintaric était déclaré absent pour un match, alors que Rouen sera moins fort dans le nouveau Camembert si c’est le gardien remplaçant qui joue. En plus, c’est logique…
Il fallait donc trouver un moyen d’évaluer chaque joueur sur un même indicateur global de sa performance. Le Game Score aurait pu servir, et c’est le cas en NHL dans le modèle de l’analyste Dom Luszczyszyn, dont le travail a beaucoup inspiré le nôtre, mais le Game Score qu’il est possible de faire en Magnus repose trop sur l’offensif, et ne prend pas en compte le contexte de l’équipe autour du joueur, faute d’avoir les stats de possessions, les pénalités provoquées, etc.
Les Win Shares
Entrent en scène les Win Shares, ou littéralement les parts de victoires… Cet indicateur est l’œuvre du célèbre analyste de baseball Bill James, qui souhaitait alors quantifier combien de victoires chaque joueur a rapporté à son équipe sur la saison. Le modèle a été adapté au hockey, surtout par Justin Kubatko dont nous avons repris la recette.
La formule est aussi longue qu’une déclaration de revenus canadienne mais repose sur le principe d’analyser séparément la contribution offensive et la contribution défensive. Dans les deux cas, la performance du joueur (buts et assistances en attaque, différentiel de buts à 5vs5 en défense), est mise en perspective selon les résultats totaux de son équipe, la position du joueur et son temps de jeu.
Bref, les joueurs présents en Magnus ont donc vu leurs Win Shares calculées pour les trois dernières saisons. En 2019-20, Kyle Hardy est arrivé en tête chez les joueurs avec 4.2 victoires de Grenoble mises à son actif, suivi de Richard Sabol avec 3,9 et Danick Bouchard avec 3.4.
Pour les joueurs n’ayant pas, ou très peu, évolué en Magnus (moins de 10 matchs par saison), nous avons pris le parti de leur attribuer une équivalence en fonction de leurs points par match projetés en Magnus. On peut ainsi voir qu’historiquement, plus un joueur produit, plus son Win Shares est grand, c’est logique.
Ainsi, dans les nouveaux arrivants, Zach Hamill d’Angers et son équivalent de 1.39 pts/matchs en DEL2 l’an passé lui vaut environ 3 Win Shares sur une saison de 44 matchs. Le même procédé est utilisé pour les gardiens en fonction de leur pourcentage d’arrêts.
Prédire les Win Shares pour 2020-21 et les tenir à jour
Il fallait ensuite pouvoir prédire les Win Shares de la saison à venir. Suivant le même principe d’étude que pour nos projections de points, il est apparu que le plus prédictif était de prendre principalement la saison précédente (à 75%) et celle d’avant à 25%. En discutant ensuite avec Dom Luszczyszyn, nous avons vu comment incorporer au fur et à mesure de la saison les performances des joueurs, afin que la Win Shares prédictive du joueur évolue en fonction de ses performances présentes, au lieu de rester figer de septembre à mars.
Pour cela, nous allons simplement tenir à jour les éléments permettant de calculer le Win Shares d’un joueur, et son Win Shares de 2020-21 prendra au fur et à mesure de plus en plus de poids dans le calcul de sa Win Shares prédictive. Concrètement, au premier jour de la saison, la Win Shares 2020-21 compte pour 0% du total, et 44 matchs plus tard, elle comptera pour environ 50%, alors que la Win Shares 2019-20 aura baissé à 35%, et celle de 2018-19 à 15%.
Cela est non seulement logique mais permet d’être à jour pour les joueurs qui connaissent des saisons exceptionnelles ou au contraire en deçà des attentes.
Les Ducs d’Angers entament donc la saison 2020-21 sous la forme ci-dessus. Danick Bouchard est projeté valoir 3.6 victoires sur la saison, Patrick Coulombe 3.4, etc. Si Florian Hardy jouait les 44 matchs, il rapporterait 3 victoires à son club.
Le nouveau Camembert
Du coup… et Camembert ? Le nouveau modèle prendra donc les 19 joueurs présents au coup d’envoi (sans compter le gardien remplaçant donc), et additionne combien de Win Shares par match ces 19 joueurs valent.
Avec son effectif complet, Angers vaut 0.83 Win Shares par match. Amiens, qu’ils doivent affronter le 26 septembre, vaut 0.72.
À cela nous rajoutons une pondération positive pour Angers qui joue à domicile, et qui reflète que, historiquement, 57% des équipes à domicile ont gagné leur match. Et cela nous donne un Camembert de 60.6% de probabilité de victoire pour Angers contre 39.4% pour Amiens.
Comme l’ancien Camembert, le nouveau permettra évidemment de projeter le classement en fin de saison en fonction des pronostics des matchs restant à jouer. Il ne reste plus à espérer que la saison commence…