Article mis à jour après la blessure de Yohann Auvitu
C’est le problème des compétitions internationales au hockey sur glace. Non seulement les joueurs de chaque équipe viennent de ligues différentes mais ceux-ci ont également rarement voyagé d’un pays à l’autre pour être vus et appréciés de tous tel un joueur de foot ayant joué dans tous les championnats d’Europe dans sa carrière… Que vaut alors un top scorer hongrois de Erste Liga en comparaison d’un joueur de soutien letton de KHL ? On peut faire l’exercice au doigt mouillé ou bien tenter d’y voir plus clair avec l’aide des stats. Alors à quelques jours des matchs les plus importants de l’histoire récente de l’Équipe de France, essayons de voir ce qui attend nos Bleus.
La Méthode
Vous le savez, Magnus Corsi a développé depuis quelques années un modèle de conversion inter-ligues permettant de comparer les performances de n’importe quelle ligue mondiale (ou presque) à la Ligue Magnus, sur la base des performances historiques de joueurs ayant évolué dans les deux ligues sur un laps de temps proche.
Ce modèle sert également à convertir la production personnelle d’un joueur en valeur sur l’indicateur Win Shares, évaluant combien de victoires un joueur rapporte à son équipe par an. Un article avait été dédié à la méthode sur Plan de match l’an passé.
Une fois tous les joueurs de ce TQO mis sur un même plan de comparaison (celui de la Ligue Magnus), nous avons pu les classer par valeur Win Shares, attaquants versus attaquants, défenseurs versus défenseurs et gardiens versus gardiens.
Et enfin, le fameux modèle Camembert a donné ses projections pour les matchs de ce TQO afin de voir qui a le plus de chances de décrocher un ticket pour Pékin.
Nos Bleus
Essayons de ne pas spoiler la fin de cet article, et nous cacherons donc la projection finale de nos français pour l’instant…
Après des mois de craintes, Philippe Bozon a pu finalement compter sur la meilleure équipe de France possible. Tous les joueurs NHL sont là, Stéphane Da Costa, Charles Bertrand et… Yohann Auvitu malheureusement avant qu’il ne soit forcé de déclaré forfait ce matin. Son départ laisse un trou important alors qu’il était le 2e meilleur défenseur français selon le modèle avec 2.4 Win Shares au 73e percentile du tournoi.
Stéphane Da Costa obtient justement une valeur de 5 Win Shares, la deuxième parmi les attaquants du TQO. Alex Texier est à 4.2 Win Shares et au 89e percentile du tournoi. Nos autres marqueurs européens Anthony Rech et Charles Bertrand sont également dans le haut du panier aux 73e et 63e percentiles.
Pierre-Édouard Bellemare est au 54e et Antoine Roussel au 39e mais il est important de garder à l’esprit que des joueurs de rôle, aussi bons soient-ils dans ces rôle en NHL, ne veut pas dire qu’ils ont la capacité d’être des top scorers à un niveau inférieur. Il est intéressant de noter que Philippe Bozon a choisi d’ailleurs de placer Antoine Roussel en soutien physique de Stéphane Da Costa et Damien Fleury, quand Pierre-Édouard Bellemare est aligné avec Alex Texier afin de conjuguer leur habitude de jouer à la même vitesse de jeu, celle de la NHL. Le nouveau joueur de Tampa Bay a été un joueur offensif en Suède et a gardé de bons restes en transition comme on l’a encore vu face au Danemark mais son contrôle du jeu et de la possession sera encore plus important dans les matchs à venir que sa capacité de marquer, chose que d’autres pourront faire à sa place.
Le reste de la formation, les Perret, Douay, Bozon sont déjà des joueurs de soutien dans leurs clubs et auront le même rôle ici. Au total, ce groupe offensif est vu sur le papier comme le 2e du TQO.
En défense, Florian Chakiachvili est au 91e percentile en tant que seul vrai défenseur offensif. Hugo Gallet et Pierre Crinon sont tous deux au-delà du 70e percentile, donnant potentiellement à l’équipe un top4 très solide. Vincent Llorca se glisserait au 5e rang de cette brigade mais ne pourra jouer éventuellement que contre la Lettonie et on verra si le staff souhaite l’insérer comme ça en fin de compétition. Enfin, le modèle n’est pas particulièrement clément envers Antonin Manavian et Romain Bault et la place qu’ils pourraient prendre en terme de temps de glace pose question. Sans Auvitu, la France glisse du 2e au 3e rang parmi les défenses du tournoi.
Dans les cages, Henry-Corentin Buysse sort de très bonnes saisons, ce qui lui vaut d’être considéré comme le meilleur gardien du tournoi ! Derrière lui, Florian Hardy sera l’autre gardien des Bleus mais il faut noter que Sebastian Ylonen est au même niveau que lui selon le modèle. Cette homogénéité donne ainsi le meilleur groupe du TQO dans les cages.
Place aux matchs !
Hongrie
Allons-y dans l’ordre. Jeudi 26, les français affronteront l’équipe jugée la plus faible du tournoi, même si le hockey hongrois est en plus ascension, les U20 hommes sont au second niveau mondial et les féminines participent actuellement aux mondiaux élite. Et cette équipe possède une poignée d’éléments qui feraient figure de stars en Magnus. Si la ligue hongroise (Erste Liga) est nettement inférieure à la Magnus (historiquement 1 point en Erste Liga vaut 0.69 point en Magnus), les leaders de l’équipe jouent en ICEHL (ex EBEL), une ligue très similaire à la nôtre (0.98 point Magnus pour 1 point ICEHL).
Janos, Ederly, Bartalis sont des gros marqueurs en ICEHL (ex EBEL) et Sofron a roulé sa bosse en DEL et Slovaquie avant de rentrer au pays. Enfin, Sebök a mis 33 points en 56 matchs de Liiga l’an passé et 41 la saison précédente. Si on ajoute que cinq autres avant se situent entre les 50e et 30e percentile, ce groupe est relativement homogène est se classe même comme 3e attaque du groupe sur le papier.
À la bleue par contre, seul Stipsicz se démarque et se place au 94e percentile parmi les défenseurs de ce tournoi. Derrière lui c’est rapidement la dégringolade et 5 défenseurs sur 8 évoluent en Erste Liga, faisant de cette brigade la moins bonne du tournoi sur papier.
Enfin dans les cages, Hetenyi serait le meilleur choix mais ses 2.1 Win Shares ne sont bonnes que pour le 33e percentile parmi les gardiens du tournoi.
Verdict de Camembert ? Avantage France même si on passe de 55.9% à 55.2% sans Auvitu. À noter que la France sera considérée comme l’équipe domicile et aura le dernier changement.
Italie
Le deuxième adversaire de la France est plus ou moins du même acabit que la Hongrie. La plupart des joueurs italiens évoluent en ICEHL, un niveau donc similaire à la Magnus, ou en ALpsHL, une ligue qui, elle, est un cran en dessous (1 point ALpsHL vaut 0.77 point en Magnus).
Les italiens ont 6 attaquants au-dessus de la barre du 50e percentile, mais aucun au-dessus du 70e, manquant ainsi de vrai talents purs. Alex Petan vient d’inscrire 43 points en 48 matchs de ICEHL et 27 points en 50 matchs de DEL auparavant. Diego Kostner est un élément sous-coté d’Ambri-Piotta en Suisse, excellent en possession, très engagé physiquement et avec de bonnes mains offensivement, il sera à surveiller. Giovanni Morini est l’autre joueur de National League et joue souvent sur une 3e ligne à Lugano. C’est un centre au gros gabarit pouvant jouer devant le filet en Power Play mais qui n’a pas les moyens de créer des choses tout seul.
En l’absence de gros CV, ce groupe offensif est sur le papier le pire du TQO.
En défense, par contre, Thomas Larkin est considéré par le modèle comme le meilleur défenseur du tournoi. Il sort d’une bonne saison en DEL avec 21 points en 35 matchs avec Mannheim. Derrière lui, Alex Trivellato est vu également très haut après de nombreuses saisons en DEL. Mais ensuite le niveau baisse rapidement et le fond de la défense est très bas dans les projections, au point de donner à l’Italie la 3e brigade défensive du TQO.
Côté gardiens, deux canadiens naturalisés Jacob Smith et Justin Fazio, 26 et 24 ans, semblent les plus forts mais loin du niveau des gardiens français.
Verdict de Camembert sur ce match où par principe nous avons fait joué les gardiens numéro 2 : Avantage France même si on passe de 56.6% à 55.9% sans Auvitu. À noter que la France sera considérée comme l’équipe domicile et aura le dernier changement.
Lettonie
Nous y voila. Dimanche 29 août 2021, le hockey français a son destin entre les mains face aux lettons, chez eux et devant leurs supporters. Des lettons qui ont été donnés favoris contre l’Italie à 63.5% puis contre la Hongrie à 62%.
C’est que les hôtes du tournoi affichent un bel effectif. 3 joueurs NHL, 3 AHL, 10 KHL, 5 en Suisse, 2 en Tchéquie et 1 en Suède…
Kaspars Daugavins est considéré le meilleur attaquant du tournoi, juste devant Da Costa. Blugers et Balcers les deux autres NHlers sont également au-delà du 90e percentile. Indrasis est un gros marqueur en KHL et Abols vient de mettre 35 points en 47 matchs en Suède après un séjour en AHL.
Et cela ne s’arrête pas là. 12 attaquants sont au-dessus du 50e percentile, contre 5 pour la France, donnant, de loin, à la Lettonie le meilleur groupe offensif du tournoi et son véritable élément différenciateur tous secteurs confondus.
En défense, trois joueurs sont au-dessus du 80e percentile et six défenseurs sont au-delà du 50e, contre quatre chez la France. Là aussi, les lettons ont sur le papier la meilleure défense du tournoi.
Enfin, dans les cages, en l’absence du gardien de Columbus Elvis Merzlikins, cela devrait être le titulaire de Langnau en Suisse Ivars Punnenovs qui gardera les buts. Jouant dans une équipe de bas de tableau, il est habitué à voir beaucoup de palets et faire des miracles au plus haut niveau. Il serait aussi fortement capable de jouer les trois matchs du tournoi. Derrière lui, deux jeunes de 23 et 20 ans qui seront en AHL la saison prochaine.
Verdict de Camembert : Avantage net pour la Lettonie, qui bénéficie aussi de l’avantage de la glace et du dernier changement. Et on passe de 59.8% à 60.5% sans Auvitu.
Sur un match tout sera possible, à condition d’être sérieux lors des deux prochains matchs pour ne pas partir avec 1 point de retard perdu en route par exemple, et qui forcerait à une victoire en temps réglementaire.
Bonne chance aux Bleus !